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La Carazette des marchés – Novembre 2022

par Yohann Derbyshire

La Carazette des marchés – Novembre 2022

La Carazette des marchés

Novembre 2022

Attention au budget de la taxe foncière

Tous les ans, à l’automne, les contribuables trouvent sur leur espace en ligne des Impôts les avis de leurs taxes immobilières. La réaction n’a pas été la même pour les locataires ou les propriétaires.

En effet, la majorité des locataires n’a pas payé de taxe d’habitation pour leur résidence principale en raison de la suppression progressive de cette taxe qui sera totale en 2023.

À l’inverse, les propriétaires de résidence principale, secondaire ou locative ont vu le montant de leur taxe foncière augmenter en 2022 et cette augmentation sera encore plus importante en 2023. La croissance de la taxe pour les habitants de Marseille, Strasbourg et Tours a respectivement été de 16,5%, 12,6%, et 15,3% selon les chiffres de l’Union nationale des propriétaires immobiliers.

Cette taxe, trouvant son origine à la Révolution française, est un outil indispensable pour les communes, départements, régions et groupements de communes car elle constitue leurs ressources fiscales. Deux mécanismes conjoints peuvent faire augmenter cette taxe.
Son montant est fonction de la valeur locative du bien, réduite d’un abattement de 50%. C’est-à-dire du niveau de loyer annuel théorique que la propriété concernée pourrait produire si elle était louée. Cette base locative a été augmentée de 3,4% en 2022. S’ajoute à cela la possibilité par les communes de voter une augmentation supplémentaire de cette taxe.

Pour 2023, il avait été envisagé d’instaurer un plafonnement de la revalorisation des bases locatives à 3,5%. Suite à l’application de l’article 49-3, l’amendement n’a pas été pris en compte et Bercy prévoit une augmentation de cette valeur de 7%.

Anne Hidalgo a pris la position, par exemple, d’augmenter le taux d’imposition de la taxe foncière de l’ordre de 52%. Cela aura pour incidence une augmentation de la taxe de 13,5% à 20,5%. Une décision qui a de grandes conséquences pour le budget des propriétaires.

Une réforme est en cours pour renouveler les règles de calcul de cette taxe. À partir de 2026, les logements seront classés en 4 sous-catégories (maisons individuelles, appartements, dépendances isolées, locaux exceptionnels) et ils seront évalués selon une grille tarifaire, et non plus par comparaison avec des locaux de référence. Cette réforme devrait traduire une nouvelle hausse des taxes pour les propriétaires.

Le nucléaire – enjeux géopolitiques, sociaux, économiques et écologiques

L’Europe craint une pénurie d’électricité pour les deux prochains hivers due à de multiples facteurs, à la fois conjoncturels et structurels. Alors que 70% de notre production d’électricité provient du nucléaire, son importance dans le contexte de crise de l’énergie est essentielle. C’est ce que nous allons observer de plus près dans cet article.

Comment en est-on arrivé là ?

La crise de l’énergie s’ajoute à des problèmes structurels liés à des défaillances sur le parc nucléaire français. Ces problématiques viennent remettre en question notre capacité à assurer l’approvisionnement en électricité des ménages et des entreprises françaises. Celles-ci proviennent, d’une part, de la rupture des chaînes d’approvisionnement durant la crise Covid menant à moins de maintenance sur nos centrales nucléaires et surtout à un décalage de son calendrier. D’autre part, la spéculation sur le CO2 faisant augmenter drastiquement le prix du gaz naturel et de l’électricité qui lui est corrélé. Aussi, les conditions climatiques ont entraîné une réduction de la production d’électricité hydraulique à cause de la sécheresse estivale. Enfin,  le contexte de guerre en Ukraine a provoqué une réduction drastique de la distribution de gaz russe. On évoque même une pénurie de gaz naturel en Europe servant à produire de l’électricité et à l’exporter en France lors de nos pics d’électricité et enfin, les fermetures pour maintenance des centrales nucléaires françaises liées au problème de corrosion sous contrainte. 

Tous ces éléments mentionnés ont fait « exploser » les prix de gros de l’énergie menant à une crise de l’énergie en Europe, appelée aussi « energy crunch ». En ordre d’idée, les prix de l’électricité en France ont été multipliés par 8 sur une période de 1 an. Pour comprendre les raisons, au-delà des facteurs mentionnés ci-dessus, il faut revenir au mécanisme de calcul de prix de l’électricité. Aujourd’hui, celui-ci est calculé sur la base de la dernière unité de production. Ainsi, le prix de l’électricité est indexé sur la dernière unité de production. Lors de phase de pic de demande, la dernière unité est très souvent indexée sur le prix du coût de production d’une centrale à gaz. Ces dernières sont plus coûteuses à faire fonctionner. Le prix du gaz est alors plus important, et par conséquent, le prix de l’électricité augmente. 

Le sujet est donc de trouver une nouvelle méthode de calcul afin de décorréler le prix du gaz et de l’électricité. Pour cela, les 27 pays doivent se mettre d’accord. Le sujet est difficile, compliqué et assujetti à des discordes. Le temps sera donc l’ennemi des consommateurs bien que le contexte devrait accélérer la prise de décision de l’Union européenne.

Ce sont tous ces évènements qui ont constitué une crise de production d’électricité et plus particulièrement pour nos centrales nucléaires.

Connaître notre passé pour mieux comprendre notre avenir

Revenons un peu en arrière pour bien saisir la situation.

Il est essentiel de rappeler certains points historiques afin de comprendre pourquoi la production d’électricité par le nucléaire est devenue importante.

Dans les années 70, la hausse des prix du pétrole dû au choc pétrolier (1973) nécessite un plan de redressement énergétique.
Il s’agit du plan Messmer, ancien 1er ministre, qui présenta son plan de dépendance énergétique sous deux angles :

  1. Construction de centrales nucléaires
  2. Plan de sobriété énergétique

Dans la continuité de ce plan énergétique, il a été suivi de la création de 56 centrales nucléaires en France à date.

Ainsi, le parc nucléaire français vieillit et fait face à des problèmes de vétusté.

Avec le manque de maintenance durant la crise du COVID et un désintérêt politique pour la gestion et la croissance de l’énergie nucléaire française, de nombreuses centrales ont fait face à des problèmes de corrosion. L’événement de corrosion se manifeste par le produit de trois facteurs coexistants. Il s’agit d’un matériau sensible, la donnée chimique et des contraintes de traction dans le matériau.

Aujourd’hui, il est néanmoins compliqué de remettre à niveau rapidement la vétusté des centrales pour des raisons de protection à l’exposition à la radioactivité des agents de maintenance.

Au 18 novembre, seulement la moitié des centrales nucléaires contribuaient à la production d’électricité française. De ce fait, il a fallu donc compenser par l’importation de Gaz Naturel Liquéfié (GNL).

Les mesures prises

Le gouvernement Français a donc mis en place pour cet hiver une feuille de route. Le plan est le suivant :

  • le plan de sobriété énergétique
  • l’ensemble des réacteurs seront activés
  • un plan de solidarité européen notamment avec nos voisins européens (Allemagne, Espagne)
  • un stock Français de gaz  (92 %) pour combler le manque de capacité de production

Et qu’en est-il de demain ? 

La production d’électricité par le secteur nucléaire représente la part la moins importante en carbone avec des émissions autour de 6 g de CO2/KWh (contre 443 g CO2/KWh pour le gaz naturel ou le charbon, 1058 g CO2/KWh).

La place du nucléaire en 2050 est donc un levier important dans l’atteinte des objectifs de limitation du réchauffement à +1.5C. Pour cela, il faudra notamment passer par la construction de nouvelles centrales nucléaires et développer les énergies renouvelables intermittentes.

Le lithium : l’or blanc du 21ème siècle

Le Lithium est un métal léger de couleur blanc argenté, d’où son surnom « or blanc ». Il fait partie de la famille des métaux stratégiques aux côtés, par exemple, du cobalt, du cuivre et des « terres rares » utilisés dans la fabrication de produits technologiques. Il est utilisé principalement (à plus de 70%) pour la production de batterie rechargeable ou à haute tension.  Il est produit en Australie à 55%. Le Chili se place en 2ème position à 26% puis la Chine à 14%.

Dans un monde où les tensions géopolitiques refont surface, il est facile de comprendre que l’exploitation d’un métal stratégique est indispensable à la politique économique d’un État, à sa défense, à sa politique énergétique ou à celle d’un acteur industriel spécifique. À ce titre, la fragilité d’accès à ses métaux rares de la France a poussé à  la création du COMES – Comité pour les métaux stratégiques – en 2011. 

L’or blanc est en première ligne et est un vrai relais de croissance pour les sociétés d’extraction car sa demande a explosé avec la volonté d’électrifié le parc électrique automobile. Le lithium est majoritairement utilisé dans les batteries de ces voitures qui seront les seules autorisées à être vendues neuves d’ici 2035. En 2022, le gouvernement français a donc accordé l’octroi des permis exclusifs de recherches de mines de Lithium afin de répondre à ce nouvel enjeu.

En octobre, la société française Imerys spécialisée dans les minéraux industriels se lancera dans l’exploitation du site de Beauvoir dans l’Allier d’ici 2027, l’un des plus importants gisements européens. Ce projet permettra à terme de produire environ 700 000 batteries.

Même si l’industrie automobile veut verdir son image avec les voitures électriques, l’extraction du Lithium, nécessaire pour les batteries des véhicules, n’est pas sans conséquence pour l’environnement. 

Le lithium est un métal alcalin qui n’existe pas directement dans la nature. Il peut se retrouver dans les roches, les terrains argileux ou dans des saumures. Il est donc nécessaire pour l’extraire de procéder à divers traitements chimiques afin d’avoir le produit utilisable à des fins industrielles. Ce procédé d’extraction est donc lent et énergivore. Il nécessite de grandes quantités d’eau et de produits chimiques.

Cette extraction est théoriquement contrebalancée par l’utilisation de ce métal dans la fabrication de produits « durables », en particulier la fabrication des batteries des véhicules électriques dites Lithium-ion. En effet, grâce à la recherche et au développement de ces procédés, les véhicules électriques compensent ces émissions élevées de la phase de production avec de faibles émissions d’échappement par rapport aux véhicules thermiques. Tout cela reste théorique car il faut analyser comment est produite l’électricité nécessaire à la recharge de ces batteries. Si elle ne provient pas d’une source durable (comme le nucléaire) mais d’une énergie fossile comme le charbon, qui fait son grand retour avec la crise énergétique, on peut se poser des questions sur la finalité de cette opération.

Le Lithium intègre le marché des « commodities » c’est-à-dire des matières premières, qui implique l’achat, la vente ou l’échange d’un produit brut. Cette ultra demande pour ce nouveau “pétrole blanc du 21ème siècle” a accéléré l’aspect spéculatif sur les marchés financiers. Le cours du Lithium est passé de moins de 10 000 euros à presque 80 000 euros la tonne par carbonate de Lithium (cette donnée se base sur le cours du carbonate négocié en Chine). 

Les investisseurs peuvent obtenir une exposition aux matières premières par des contrats à terme permettant d’acheter ou de vendre une certaine quantité de produit à un certain prix à un certain moment dans le futur. Ils permettent, d’un côté, aux sociétés de se couvrir contre la volatilité, et d’un autre côté, aux investisseurs de pouvoir réaliser des gains.

L’augmentation de la production de batteries Lithium-ion automobiles est directement influencée par le marché des véhicules électriques qui a doublé en 2021. En 2022, les ventes continuent de s’accélérer, plus de 3.2 millions de nouvelles voitures rechargeables ont été immatriculées dans le monde au cours des premiers mois de l’année. La Chine reste le pays qui produit le plus de batteries dans le monde à 75%. Toutefois, selon Bloomberg, la part de l’Europe dans la production mondiale de batteries pourrait atteindre 31% d’ici 2030. En comparaison, la part du continent dans la production mondiale de batteries n’était que de 7% en 2021.

Entre rareté et considérations écologiques, l’attrait pour ce nouvel or blanc devra sûrement encore faire l’objet de réflexions pour être bien géré et répondre aux enjeux économiques et environnementaux de notre siècle.

Élections américaines de mi-mandat : pas de panique ?

Les élections de mi-mandat ont lieu entre deux élections présidentielles. Comme toutes les élections fédérales, elles se déroulent le mardi suivant le premier lundi de novembre. Tous les 2 ans, ces élections permettent de remettre en jeu l’ensemble des 435 sièges de la Chambre des représentants et 35 (sur 100) sièges au Sénat. L’enjeu est le contrôle du bras législatif du gouvernement américain. Les élections de mi-mandat constituent souvent un référendum sur les politiques mises en place par le parti au pouvoir et le président en exercice. Si le président en place perd l’une des deux chambres et ce fut le cas depuis les 20 dernières années, cela peut nuire à l’adoption de ces politiques pour les deux années qu’il lui reste à la Maison Blanche. Parallèlement, ce sera aussi l’occasion de faire élire 36 des 50 gouverneurs d’États et de combler toute une série d’autres postes dans des administrations locales. Certains électeurs auront aussi à se prononcer sur des sujets qui sont aussi divers que le cannabis et les hausses de taxes par exemple.

Historiquement parlant, la période des élections de mi-mandat aux États-Unis peut être positive pour les marchés actions. Cela peut s’expliquer par le fait que les élections de mi-mandat font souvent évoluer la politique américaine d’un parti détenant le pouvoir vers un pouvoir partagé et des majorités plus petites. En général, moins de lois sont adoptées en conséquence.

Il est probable, selon les estimations actuelles, que les républicains soient légèrement favoris pour prendre le contrôle de la Chambre des représentants, bien que cette course n’ait pas encore été annoncée au moment de la rédaction de cet article. Cela suffirait à créer une impasse que le marché favorise généralement. On peut faire moins de choses lorsque le pouvoir est partagé, et les marchés ont historiquement préféré ce genre de prévisibilité. Dans le contexte actuel, cette immobilité pourrait être saluée par les marchés. Alors que l’inflation force la FED à adopter un ton restrictif sur leur politique monétaire, une chambre des représentants n’ayant plus de claire majorité donnerait la possibilité aux républicains de bloquer les différents plans de soutien budgétaire et donc de freiner la dépense publique. Un alignement des politiques budgétaires et monétaires est nécessaire pour obtenir de réels résultats économiques.

Les acteurs de marché surveilleront de près les prochaines données d’activité, d’emploi et d’inflation. Si les tensions s’apaisent du côté de l’inflation, que l’activité économique reste robuste et qu’un scénario de “soft landing” (ralentissement modéré de l’économie et baisse significative de l’inflation) semble se dessiner, cette configuration de Chambre des représentants sans majorité sera clairement saluée par les marchés. En revanche, si les données économiques s’aggravent et qu’un « hard landing » (ralentissement marqué de l’économie)  semble inévitable, alors le marché verra d’un mauvais œil cette configuration. Enfin, alors que le résultat pour le contrôle du Sénat est encore moins clair, si les Républicains remportent la Chambre des représentants, cela suffira pour permettre un blocage, quel que soit le résultat du Sénat.

Auteurs des articles : Valentin Chevillard, Romane Barbier, Alexandre Simon, Charlotte Temple, Yohann Derbyshire.

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