Le chômage baisse mais pas assez vite
Le taux de chômage poursuit sa baisse en France, mais d’une part il baisse toujours moins vite que chez nos voisins et d’autre part il baisse moins vite début 2019 que fin 2018, alors qu’une accélération était attendue
Au premier trimestre 2019, le nombre de demandeurs d’emplois en catégorie A (aucune activité exercée) a ainsi baissé de 0,7% par rapport au trimestre précédent, soit 24.200 chômeurs de moins selon les chiffres de Pôle Emploi. Mais au dernier trimestre 2018, la baisse était de 1,1% pour ces mêmes chômeurs. Sur un an, la baisse est plus significative (-1,5%).
Depuis le pic de 10,5 %, en juillet 2015, le taux de chômage diminue en France. Il atteint aujourd’hui 8,8 %. Plus de trois ans et demi de baisse du chômage, c’est une très bonne nouvelle.
Cependant il baisse nettement moins vite que dans la moyenne des pays de l’OCDE, où il atteint aujourd’hui 5,2 %, un plancher que la France n’a pas connu depuis 1979. Dans l’Europe des Vingt-Huit, où le taux de chômage est de 6,6 %, seules l’Italie, l’Espagne et la Grèce font moins bien que nous et nous sommes très loin d’avoir retrouvé notre niveau de début 2008, qui était de 7,2 %.
La réforme de décentralisation des négociations collectives au niveau de l’entreprise et la réforme de l’assurance-chômage n’ont pas abouti.
Ce sont toujours les accords de branches qui dominent et ainsi l’écrasante majorité des entreprises n’a toujours pas de réelle marge de manœuvre pour ajuster les salaires sous les minima de branche, quelles que soient les difficultés auxquelles elles sont confrontées.
Quant à l’assurance-chômage, ses dysfonctionnements ont été documentés par de multiples rapports. La dérive des règles négociées par les partenaires sociaux a conduit à une situation où il est possible de percevoir des revenus mensuels plus élevés en s’inscrivant au chômage qu’en continuant de travailler et où l’on peut cumuler indéfiniment revenu d’activité et indemnisation chômage. Cette dérive a un coût exorbitant, qui crée du chômage et alimente les emplois de courte durée.
Les solutions semblent connues : prise en compte du revenu mensuel moyen passé pendant la période d’affiliation pour calculer l’indemnité chômage, limitation dans le temps des possibilités de cumul de revenu d’activité et d’indemnité chômage et système de bonus-malus pour les cotisations employeur.
Pourtant, les changements se font toujours attendre et sans virage significatif, il est fort probable que le chômage sera en 2022 plus élevé qu’aujourd’hui, sauf miracle de la conjoncture internationale.
L’or noir attire encore les convoitises.
Hautement stratégiques, les gisements de pétrole de schiste font l’objet d’une bataille boursière géante, depuis quelques semaines aux Etats-Unis. Occidental Petroleum, une compagnie américaine indépendante, a lancé une contre-offre hostile sur Anadarko, convoité depuis deux semaines par son rival Chevron, cinq fois plus gros.
L’offre d’Occidental, en cash et en titres, valorise la cible à quelque 57 milliards de dollars dette comprise (38 milliards sans la dette), contre 50 milliards avec la dette pour celle de Chevron (33 milliards sans).
Les deux acheteurs lorgnent les mêmes actifs : les puits d’Anadarko dans le Bassin permien, au Texas et au Nouveau Mexique, où se trouvent les plus gros gisements de pétrole de schiste américain, qui connaissent la croissance la plus rapide au monde. La richesse de ce bassin a permis aux Etats-Unis de devenir exportateurs nets de pétrole et de dépasser la production de l’Arabie Saoudite.
Cette bataille fratricide entre américains intervient au moment où les prix du baril s’apprécient fortement à nouveau.
En effet les sanctions envisagées contre l’Iran, par… les Etats-Unis ont fortement fait augmenter le cours du baril de pétrole fin avril. Les exportations de pétrole de l’Iran ont déjà fortement chuté mais c’est encore près d’1.3 millions de barils par jour qui y sont produits. La menace de sanctions contre l’Iran, et notamment l’interdiction d’exportation de ce pétrole, fait donc mécaniquement augmenter le prix du baril.
L’Arabie Saoudite, pour faire plaisir à son allier américain, a annoncé qu’elle était en mesure d’augmenter sa production, mais elle ne l’a pas fait, probablement du fait d’une administration américaine trop instable à son gout.
Alors, il va falloir aux Etats-Unis user de leur pouvoir de négociation pour ne pas voir le prix du baril s’envoler et mécontenter les automobilistes américains à 18 mois des élections. Ces négociations aboutiront elle à un allègement des sanctions contre l’Iran ? ou à un accord de l’Arabie Saoudite d’augmenter sa production ? Nous penchons vers la deuxième option.
Dans tous les cas, l’impact des Etats-Unis sur les variations des cours du baril n’a pas fini de s’amplifier avec la maitrise de la production et des gisements de pétrole de schiste gigantesques du territoire américain… quel qu’en soit le prix pour la planète.
Pendant ce temps-là
L’Europe compte toujours 28 membres.
Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué les britanniques sont toujours européens. Incroyable feuilleton parfois difficile à suivre, le Royaume Uni est toujours membre de la communauté européenne. La prochaine saison de la série « Brexit », pleine de rebondissement, est prévue en septembre. Les acteurs restent les mêmes et les coups bas devraient se démultiplier. I can’t wait !
Le monde change
La robotisation accélère
L’OCDE prévient : la robotisation devrait faire disparaître 14 % des emplois d’ici à vingt ans. La France est un peu plus exposée que la moyenne, avec 16,4 % de postes menacés et 32,8 % transformés par l’automatisation.
Perspectives économiques et financières
En quelques semaines les cartes ont été rebattues et les changements politiques ont, à eux seuls, semblé relancer l’économie. En quelques semaines les tensions commerciales se sont totalement apaisées, les problèmes politiques européens ont été oubliés (attention, ils reviendront) et surtout les banques centrales ont totalement changé d’orientation.
C’est le plus surprenant de tous les évènements politiques de ce début d’année. Sous la pression d’indicateurs économiques qui commençaient à inquiéter en janvier, l’ensemble des grandes banques centrales semblent s’être coordonnées pour assouplir encore les politiques monétaires : maintien des taux bas, injection de liquidités, politiques accommodantes auprès des banques pour une meilleure distribution du crédit… les artifices n’ont pas manqué et ont immédiatement rassuré économistes et investisseurs.
L’effet de ces politiques accommodantes a permis d’amplifier le rebond des indices boursiers de ce début d’année et on a vu immédiatement les taux diminuer et les indicateurs économiques se redresser, mais attention car cela cache souvent de mauvaises nouvelles quand on rentre dans le détail.
Aux Etats-Unis la croissance dépasse très fortement les attentes pour le 1er trimestre, à +3,2% en rythme annualisé. Elle a notamment été poussée par le commerce extérieur et la réduction des stocks. Mais, le chiffre est beaucoup moins bon qu’il n’y parait car la demande privée (consommation des ménages + investissements privés) affiche sa plus faible progression depuis 2013 et confirme le ralentissement de l’économie américaine. Pour la première fois depuis 2 ans le pourcentage d’américains propriétaires de leur résidence principale recule, preuve de la difficulté à recourir au crédit immobilier, notamment chez les ménages les plus jeunes.
En Europe, la crainte de voir l’Allemagne entrer en récession s’est un peu dissipée mais les indicateurs économiques restent en repli que ce soit dans l’industrie ou les services.
Les entreprises sont nombreuses à avoir un plan d’activité en repli sur les 12 prochains mois malgré la poursuite de la hausse des bénéfices en ce début 2019.
Seule bonne nouvelle, l’emploi continue son redressement, le taux de chômage fondant comme neige au soleil.
Le Japon sombre doucement mais surement. Au-delà de la baisse de sa population qui reste un sujet délicat pour ce pays, les bénéfices des entreprises sont en baisse et la consommation ne reprend pas malgré des taux d’intérêt négatifs (lire focus ci-après).
La Chine est le seul pays qui semble ne pas tenir compte d’éventuelles difficultés et tire toute la zone voisine vers l’amélioration économique. Que ce soit les indicateurs de croissance, d’emploi, de capacité bénéficiaire des entreprises ou de la balance commerciale, tout est dans le vert et largement. L’apaisement des tensions commerciales avec les Etats-Unis a permis à l’ensemble de la zone de redynamiser son économie qui s’était totalement paralysée face au risque de mise en place de barrières douanières.
Cela prouve toutefois que la Chine reste dépendante du marché économique international et que la transformation du système économique chinois pour développer sa consommation interne, bien que très avancée, reste à accélérer pour rendre le pays moins dépendant.
Nos convictions
Tout cela renforce notre prudence. Même les positions offensives que nous avions conservées ou renforcées sur les secteurs technologiques, les zones d’Asie du Sud Est, la hausse de la croissance aux Etats-Unis, ou les secteurs bancaires en Europe, nous semblent avoir fait la majorité du chemin de hausse potentielle. Nous allons donc rester prudents au cours des prochains mois et prévoyons d’avoir des actions tactiques pour nous renforcer si les marchés devaient souffrir de profondes corrections.
Pour les stratégies obligataires, la généralisation des politiques accommodantes redonne des couleurs à certaines stratégies particulières.
- Nous revenons à l’investissement sur les obligations High Yield européennes, sous réserve que la date de fin de ces emprunts obligataires soit courte : dans un délai inférieur à 4 ans.
- La politique des banques centrales et les importantes différences de taux entre Etats-Unis et Europe nous laissent penser qu’il est intéressant d’acheter des obligations d’Etat américaines, malgré le risque de change que cela suppose.
- Le dollar poursuit sa dépréciation, il est donc intéressant de maintenir, voire de renforcer, les obligations émergentes dont le taux de rendement est intéressant. Cette analyse est valable pour les obligations d’états et les obligations d’entreprises qu’elle soient libellées en dollar ou en monnaies locales.
Pour les stratégies actions, nous préconisons de réduire l’exposition globale aux risques actions comme suit :
- Maintien de l’exposition aux pays émergents en privilégiant l’Asie du Sud Est et tout particulièrement le développement de la consommation chinoise.
- Réduction des actions européennes en général, et en particulier les secteurs de croissance qui nous paraissent très chers : Luxe, Santé.
- Les actions sur les thématiques de la digitalisation ou robotisation restent attractives même si le rebond récent nous laisse penser qu’il faut réduire légèrement l’exposition.
- Globalement le maintien des taux bas et des bénéfices des entreprises plaide pour un maintien des positions actions importantes. Toutefois, les niveaux actuels de marché méritent de réduire le niveau d’exposition au fur et à mesure que les marchés montent.
Nous pensons que le contexte justifie de conserver des positions sur l’or qui a peu évolué depuis le 1er janvier et les métaux précieux en général.
Les évolutions de la parité euro-dollar justifient de maintenir un faible niveau de dollar dans les portefeuilles des investisseurs européens que nous sommes.
Focus
Taux d’intérêt négatif : que faut-il comprendre ?
Selon les estimations, la proportion des obligations à taux négatifs s’établit à 29 % du total des encours obligataires des pays développés. Situation absurde ou logique ? Situation problématique ou salvatrice ?
Cette situation de taux négatifs est inédite, mais elle n’est que la conséquence de circonstances qui le sont tout autant.
En économie, ce qui importe c’est le taux d’intérêt réel, c’est-à-dire la différence entre le taux d’intérêt nominal et le taux d’inflation constaté pour une période de référence. Le taux d’intérêt réel est donc le rendement réel pour le prêteur de capitaux et le coût réel pour l’emprunteur.
Il est beaucoup moins rare que ce taux d’intérêt réel soit négatif, notamment lors de fortes anticipations de baisse de l’inflation.
Quel est pour une banque centrale l’objectif d’un taux d’intérêt réel négatif ?
L’objectif principal est d’aider l’économie à se relancer. Les conséquences de cette politique sont : la baisse des taux généralisée quelque que soit la durée d’emprunt, l’incitation des banques à prêter plutôt que d’accumuler des réserves à la banque centrale, l’incitation des entreprises et des ménages à moins épargner et à plus investir et dépenser, la reflation des actifs risqués, la baisse du change… si pour le moment ce n’est pas assez efficace pour aider l’économie à se relancer, cela a au moins le mérite d’enrayer le risque déflationniste. C’est la bataille dans laquelle la Banque Centrale Européenne est engagée depuis plusieurs années désormais.
Certes, le passage à des taux négatifs pose un certain nombre de problèmes d’ordre micro et macroéconomiques. Le plus délicat est la pression baissière sur les marges des banques (baisse de la marge nette d’intérêt), affectant la profitabilité de ces dernières et donc le système financier. Mais en stimulant l’économie, cette politique de taux négatifs peut être aussi bénéfique pour les banques via une hausse de la demande de crédit, l’amélioration de la qualité des actifs et la réduction du risque de crédit.
Au final, sur le plan économique, les taux négatifs sont favorables : favorables à l’endettement, à l’investissement, la construction, au financement de grands projets, au développement des économies disruptives, à l’émergence de nouveautés mais aussi d’un nouveau monde.
Il est certainement plus favorable à ceux qui se développent, qui sont en croissance qu’à ceux qui veulent préserver l’existant.
Malheureusement, il est également favorable au creusement des inégalités, qui devraient se poursuivre.
Mais le problème actuel est que les banques centrales du monde développé n’ont plus le choix et toute tentative de normalisation monétaire porte les germes d’une récession, voire d’une dépression future, compte tenu du niveau d’endettement et de financiarisation de l’économie mondiale.
En d’autres termes, nous sommes enfermés dans une politique de taux d’intérêt réels négatifs pour longtemps et, sans réforme, nous regarderons les pays en développement profiter de notre conservatisme.
Focus
Loi Pacte : réforme de l’épargne
Le 11 avril dernier, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi Pacte dans lequel figure un important volet sur l’investissement dans les entreprises, notamment pour renforcer leurs fonds propres. Faisons le point sur ce qui attend concrètement les épargnants.
Le PEA et le PEA-PME gagnent en attractivité. Le fonctionnement du PEA et du PEA-PME a ainsi été revu pour favoriser son développement en assouplissant certaines règles. Tout d’abord, le plafond du PEA-PME, revu à la hausse, est désormais fixé à 225 000 € dans la mesure où les montants du PEA classique ne dépassent pas un certain seuil. De plus, il ne faudra plus attendre huit, mais cinq ans pour pouvoir effectuer un retrait partiel de sommes ou de valeurs sans que celui-ci n’entraîne sa fermeture.
D’autres avancées sont également à souligner : le plafonnement des frais bancaires ainsi que de nouveaux outils éligibles au PEA-PME dont les titres participatifs, les bons, les obligations à taux fixe. Il convient enfin de saluer le travail de l’Assemblée nationale qui a permis de réintégrer les titres de sociétés immobilières dans l’enveloppe des titres éligibles au PEA-PME.
Le PEA-PME n’est pas le seul produit d’épargne à être impacté par l’adoption de la loi Pacte. On peut, noter la relance des fonds euro-croissance et l’assouplissement du fonctionnement des assurances-vie. Afin de favoriser le renforcement des fonds propres des entreprises, la sortie en titres des assurances-vie souscrites en unités de compte est élargie au bénéficiaire du contrat lorsque le souscripteur a opté pour cette modalité de sortie. De plus, on peut souligner que les titres émis dans le cadre du financement participatif pourront être intégrés dans les unités de compte, favorisant ainsi la circulation des titres non cotés.
Enfin a été adoptée la mise en place d’un plan d’épargne retraite, sorte de socle commun des dispositifs d’épargne collective, qui devrait accroître la visibilité sur ces produits d’épargne. Parmi les mesures liées à ce socle commun se trouve la mise en place de la gestion « pilotée » comme mode de gestion par défaut. Une mesure qui devrait permettre de diriger, dans un premier temps, l’épargne vers les actions.
Ces mesures, bénéfiques pour l’économie française, ne seront malheureusement pas appliquées avant début 2020, nécessitant de lourds processus de mise en place. Sans oublier que la loi Pacte est actuellement examinée par le Conseil Constitutionnel.
Il faudra donc s’armer de patience avant de pouvoir bénéficier des premières retombées positives de ce projet titanesque.