Brèves
L’inflation ralentit trop en Zone Euro
L’inflation dans la zone euro est tombée en mars à son plus bas niveau depuis novembre 2009, avec une hausse de seulement 0,5% en rythme annuel, selon l’estimation publiée par Eurostat. Les économistes interrogés s’attendaient en moyenne à 0,6%, après 0,7% en février. Pour le sixième mois consécutif, l’inflation dans la zone euro se situe ainsi nettement sous la barre de 1% l’an. Situation que le président de la Banque Centrale Européenne Mario Draghi qualifie en personne de «zone dangereuse».
Cauchemar des banquiers centraux et des gouvernements, la déflation est en théorie un cercle vicieux qui s’auto-entretient. La baisse des prix conduit irrémédiablement à une baisse des marges, donc une baisse d’activité qui engendre moins de revenus, ce qui tend à comprimer la demande, et donc conduit à une forte hausse du chômage. De plus les ménages ont tendance à reporter leurs achats, voyant les prix baisser, ce qui conduit à une hausse de l’épargne et donc une baisse de consommation et accroît ainsi la baisse d’activité. Enfin dernier effet néfaste de la déflation, les recettes publiques (au premier rang desquelles la TVA) chutent, du fait de la baisse de la consommation, de l’activité et des prix.
C’est donc le nouveau combat de la BCE qui, après avoir lutté pour ne pas voir exploser la Zone Euro, va devoir trouver les marges de manœuvre pour éviter la déflation : la seule vraie solution, dans le contexte actuel, sera de faire fonctionner, à nouveau, la planche à billets. Cela aura au moins le mérite de faire baisser l’Euro, baisse enfin commencé.
Encore raté
Le déficit public s’est élevé à 4,3 % de PIB en 2013, après 4,8% en 2012. Après avoir obtenu un report de deux ans pour tenir l’objectif des 3%, le gouvernement s’était engagé auprès de ses partenaires européens à ramener le déficit à 4,1% de PIB. Le niveau est finalement encore plus haut et ce malgré une croissance du PIB légèrement supérieure aux attentes puisque la France a enregistré une croissance de 0.3% en 2013.
Le dérapage, qui n’est en fait pas une vraie surprise, est dû à des moins-values de recettes fiscales (comme nous l’avions prédit dès le printemps 2013). Parmi ces recettes en diminution, l’ISF a enregistré 700 millions d’euros de recettes en moins : des contribuables auraient- ils quitté le pays ?
Toutes administrations confondues, les dépenses ont été globalement maîtrisées l’an dernier, mais nous sommes loin des 15 milliards d’économies annoncées. Ce dérapage du déficit public 2013 complique l’équation budgétaire pour 2014. Bercy prévoit de ramener son déficit à 3,6 % cette année, ce dont doute d’ores et déjà fortement Bruxelles, qui anticipe un déficit de 4% en 2014 pour la France. La dette publique, quant à elle, atteint 93,5 % de PIB (contre 93,4% prévus), après 90,2 % de PIB en 2012.
Après la publication officielle de ces chiffres, Bercy a préféré mettre en avant l’amélioration de la situation d’une année sur l’autre qui démontre que la gestion responsable des finances publiques a produit des résultats. C’est vrai mais insuffisant pour un pays dont plus d’un tiers de la dette est détenu par des investisseurs étrangers et qui s’expose donc ainsi à une hausse de ces taux d’emprunt.
Pendant ce temps-là… le monde change
Après avoir déjà réduit le montant de ses achats d’actifs mensuels de 10 milliards de dollars en janvier, la Banque Fédérale Américaine (la Fed) a annoncé une nouvelle réduction de 10 milliards (à 65 milliards de dollars) en février et devrait interrompre complètement le programme d’ici octobre, confirmant ainsi la bonne reprise américaine. Ce « tapering » de la Fed a engendré des sorties de capitaux dans certains pays émergents qui ont été bousculés ces dernières semaines. Il convient de faire la différence entre les pays affichant des fondamentaux de croissance solides (tels que des niveaux d’endettement peu élevés, des balances courantes robustes et des réserves de change abondantes) et ceux qui sont devenus trop dépendants des afflux d’investissements à court terme ou qui sont pénalisés par une faiblesse jusqu’alors sous-estimée. Par ailleurs, nous sommes convaincus que les liquidités auparavant fournies par la Fed seront en grande partie remplacées par les nouvelles mesures de relance massive introduites par la banque du Japon et la BCE cette année et que les marchés émergents devraient également bénéficier de l’amélioration de la croissance dans les pays développés. La récente dépréciation des devises émergentes face au dollar offre notamment un avantage décisif aux pays tels que la Corée du Sud ou le Mexique qui exportent massivement vers les États-Unis. Les perspectives de la Chine sont quant à elles assez incertaines. La délicate réforme du secteur financier est en cours et sous-entend la libéralisation des taux d’intérêt des dépôts ainsi qu’une transparence accrue concernant les véritables niveaux d’endettement des gouvernements locaux et des autres agents économiques. En outre, les banques publiques chinoises, bien qu’ayant souffert d’une mauvaise gestion, possèdent suffisamment d’actifs pour contrebalancer tout dommage potentiel.
En Europe, Les indicateurs avancés, notamment les enquêtes sur l’activité manufacturière et non manufacturière, ainsi que la confiance des ménages, signalent toujours une accélération de la reprise dans la région. Le Royaume-Uni demeure en tête, l’économie du pays ayant progressé à un rythme annualisé de 2,8 % au dernier trimestre de 2013.
Nos convictions
La situation géopolitique a bousculé beaucoup de choses au cours de ce premier trimestre, et les deux zones émergentes dans lesquelles nous vous avions jusqu’alors beaucoup conseillé d’investir n’ont pas été épargnées. D’une part la Chine, et plus particulièrement le développement de la consommation interne, qui a été freiné par les risques de grande difficulté du système bancaire. En effet les autorités ont annoncé et démontré qu’elles n’interviendraient plus de manière systématique pour sauver une entreprise ou une banque dans le cadre de montage financier hasardeux. D’autre part, la zone qui couvre la Russie, l’Europe de l’Est, le Moyen-Orient et l’Afrique. L’invasion de la Crimée par la Russie, la situation en Turquie ou les émeutes au Nigéria, ont touché principalement les pays qui semblaient, du point de vue du développement économique, être des zones prioritaires d’investissement à long terme. Malgré ces évènements, nous n’avons pas changé de conviction, et pour ceux qui souhaitent un investissement très offensif, nous avons accru notre investissement dans cette zone en Mars. Nous maintenons notre recommandation de profiter de ce type d’évènement pour accroitre la position, tout en restant méfiants vis-à-vis de certains pays, comme la Turquie (lire focus ci-après).
Ce premier trimestre aura également permis de constater que les marchés actions européens et tous particulièrement français ont surperformé tous les autres marchés, tendance qui devrait se poursuivre, mais dont il nous faut nous méfiez, car ce phénomène est plus lié à des afflux de liquidités qu’à de véritables bonnes nouvelles économiques. Le retour de bambou pourrait être violent, même si nous ne l’attendons pas à court terme.
Le marché actions américaines piétine quelque peu, cherchant un nouveau souffle, après avoir dépassé ses plus hauts historiques. Aux Etats- Unis, nous serons plus prudents sur les nouvelles technologies en particulier le secteur des start- up internet, survalorisé selon nous. Pour les plus prudents, les obligations d’entreprises européennes restent les supports à privilégier.
Focus
Les impacts du réchauffement
Après avoir livré en septembre les dernières données sur l’ampleur sans précédent du réchauffement, les experts sur l’évolution du climat (Giec) ont dévoilé leur diagnostic sur les impacts d’un tel changement : Le niveau de recharge en eau des rivières et des nappes phréatiques des régions tropicales sèches va diminuer dans la plupart des cas. La sécurité alimentaire et la croissance économique des pays du Sud pourraient être menacées, particulièrement dans les pays en voie de développement. Au nord, la modification des régimes des précipitations devrait augmenter le niveau des réserves en eau et la fréquence des inondations. Avec le réchauffement, de plus en plus d’espèces devraient remonter les mers sous des latitudes élevées. Le Giec estime que ces migrations vers le nord pourraient se traduire par une hausse de 30 à 70 % du rendement des pêches dans les régions concernées. Inversement, la biodiversité marine risque de s’appauvrir dans les zones tropicales. Sauf mesures d’adaptation, les rendements des principales cultures céréalières (blé, maïs, riz) devraient diminuer dans les régions tempérées et surtout dans les zones tropicales. Localement, cependant, le réchauffement pourrait se révéler bénéfique. Le Giec mentionne des hausses de rendement de plus de 10 % sur la période 2030- 2049. Ce niveau est insuffisant pour l’accroissement de la population et donc les prix agricoles vont monter et leur volatilité sur les marchés s’accroître. La demande en énergie pour se chauffer devrait diminuer. Inversement, elle devrait croître pour rafraîchir les logements et les commerces. L’évolution démographique de la planète et les progrès technologiques auront eux aussi un impact sur cette demande et sur les types de production énergétique. L’état futur des disponibilités en eau et de leur température risque surtout de poser un problème pour les centrales thermiques et nucléaires. La fiabilité des réseaux électriques est donc menacée. Enfin, le réchauffement, en impactant négativement la croissance économique va compromettre l’effort de réduction de la pauvreté dans le monde. Dans les pays à faible niveau de revenu, les inégalités sociales vont se creuser et ce d’autant plus que les vagues de migrations climatiques devraient s’y multiplier. Le Giec redoute l’apparition de nouvelles poches de pauvreté dont ne seraient pas exempts les pays développés. « Le changement climatique peut, indirectement, augmenter les risques de conflits violents », considèrent ces experts, pointant notamment des menaces de guerre civiles.
La Turquie dérape
Dans une tentative de stopper la forte baisse de la Lire turque, la banque centrale turque a injecté 2 milliards de dollars pour soutenir sa monnaie et finalement relevé son taux d’emprunt de 7.75% à … 12% en janvier dernier.
La Turquie est particulièrement vulnérable aux turbulences mondiales car elle accuse un déficit courant de 65 milliards de dollars par an, dont 80% sont détenus par des fonds à court terme. En contrepartie, elle ne détient que 35 milliards de dollars de réserves étrangères, juste assez pour couvrir le coût des importations durant un mois et demi.
De plus, le pays est de plus en plus gangréné par les tensions politiques. Enfin, la Turquie est vulnérable au «tapering» des autorités américaines au même titre que le Brésil ou l’Afrique du Sud par exemple.
La Turquie a depuis un certains nombres d’années un soutien fort de trois entités : les Etats-Unis sur le plan géopolitique, l’Union européenne sur le plan institutionnel et le FMI sur le plan financier.
Si l’on se focalise sur les relations économiques entre l’union européenne et la Turquie, on se rend compte que les échanges concernent surtout des produits à faible valeur ajoutée tels que le textile, les fruits et légumes, les équipements pour les télécommunications et quelques machines et matériels de transport. Plus globalement la Turquie ne représente que 3.5% du commerce global de l’Europe des 28, avec une plus forte propension à l’export qu’à l’import contrairement à des pays comme la Chine ou à la Russie par exemple. En revanche, la Turquie est, elle, un partenaire privilégié de l’Union Européenne puisque près de la moitié de ses importations s’effectuent avec l’UE. Une crise turque d’une plus grande ampleur n’aurait donc que peu d’influence sur l’évolution économique européenne : elle aurait malgré tout un impact certain sur les banques, notamment celles ayant une exposition au pays (BNP PARIBAS en première ligne).
Les années à venir ne seront pas aussi fastes que les 5 dernières, mais les échéances électorales et l’appui du FMI devraient permettre de progressivement calmer le jeu et revenir à une phase d’expansion.