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Bulletin N°39 – Mars-Avril 2017

par Cedric Genet

Bulletin N°39 – Mars-Avril 2017

Brèves

Le très discret débat fiscal

Les campagnes présidentielles françaises de 2007 et 2012 ont été marquées par un débat fiscal très marqué, très chiffré, très détaillé. Il a même été considéré comme “fiscalo-délirant” par Thomas Piketty, pas avare de commentaires sur ces sujets.

Le choix d’un candidat, en ce printemps 2017, sur la base de son programme fiscal, est un exercice difficile pour les électeurs. En effet la campagne n’a fait ressortir aucun sujet fiscal en particulier, à l’inverse de ce qui s’était passé en 2007 (la défiscalisation des heures supplémentaires de Nicolas Sarkozy) et 2012 (la taxe à 75 % de François Hollande). Il faut cependant avoir conscience que l’élu du 7 mai arrêtera les lignes d’une politique fiscale qui déterminera une partie importante du pouvoir d’achat de chacun des Français pour les cinq années qui viennent.

Est-ce une conséquence du “ras-le-bol fiscal” ? Les candidats avancent sur des œufs et n’affichent, ni n’envisagent, de hausse massive des impôts pour les ménages. Qui s’en plaindra ? Il faut dire que le quinquennat finissant s’est traduit par 44 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires, ce qui a déclenché une exaspération toujours d’actualité. La France a ainsi confirmé son statut de pays parmi les plus imposés du monde (numéro 2 en fait).

Entre projets non crédibles et irréalisables portés par les extrêmes et projets flous ou légers, le sujet ne semble pas participer aux perspectives des candidats. Et pourtant, si elle ne guide pas tout, la fiscalité est le levier principal de la politique économique d’un pays.

Les quelques idées fiscales détaillées sont au service d’objectifs économiques précis et seulement en lien avec l’électorat visé : baisse ou disparition de l’ISF ou allégement de l’imposition du capital pour stopper l’inquiétante disparition des capitaux français capables de s’investir en entreprise, ou encore baisse de la fiscalité des familles pour accroître la consommation.

Comme à chaque échéance électorale, cela annonce une difficile période d’instabilité fiscale, comme seule la France sait les fabriquer. Or les allers et retours permanents ne rendent pas service à l’économie. Lequel des candidats s’engagera à ne plus toucher aux impôts une fois son premier train de mesures adopté ?

La politique guide encore

Alors que 2016 avait clairement été annoncée comme une année où la prudence devait dominer du fait d’élections compliquées prévues au Royaume Uni, aux Etats-Unis et en Italie … 2017 s’annonçait sans grand enjeux électoraux.

Mais la politique reste au cœur des inquiétudes et continue à conditionner la prudence. Première illustration : le 25 janvier, jour de l’annonce de “l’affaire Fillon”. Alors que les marchés financiers et les investisseurs en général avaient exclu de leur scénario le vote extrémiste en France, ce risque a immédiatement ressurgi. L’indicateur qui a traduit cette inquiétude est l’écart des taux entre le taux de la dette Française et celui de la dette Allemande. Cet écart a brusquement augmenté pour atteindre début février des seuils proches des écarts historiques. Depuis cette date, cet écart est resté très élevé.

Mais le problème français a été suivi par d’autres risques. Si les Pays-Bas ont finalement maintenu un pouvoir républicain, l’extrémisme est passé près de la victoire ; le stress reste réel sur l’avenir de l’Italie lors des prochaines élections, bien que celles-ci ne soient annoncées qu’en 2018.

En Europe encore, la montée en puissance du parti social-démocrate, rival d’Angela Merkel et porté par le brillant Martin Schulz, interroge sur l’avenir du discours de l’Allemagne dans son soutien global à la politique européenne actuelle.

En Europe toujours, ou plus précisément désormais aux frontières de l’Europe, le Royaume-Uni a enfin déclenché l’article 50 et validé sa future sortie de la communauté européenne. C’est évidemment la révolution politique la plus vive au sein du monde européen depuis le milieu du XXème siècle. Nous savons que la négociation sera dure, que les échanges entre européens et britanniques seront rudes, et pas sans conséquences sur la situation économique de pays commercialement si liés. Mais nous constatons également qu’au sein du Royaume-Uni, le risque d’éclatement existe, Ecossais et Irlandais menaçant de rejoindre les européens.

Enfin de l’autre côté de l’Atlantique, le président Trump constate que l’application de sa politique de réduction fiscale, de relance budgétaire ou de rapatriement de profit des entreprises américaines aux Etats-Unis se heurte aux problématiques parlementaires. Les effets de cette politique seraient extrêmement positifs pour certains pans de l’économie américaine. Les marchés financiers ont bien anticipé cela, mais commencent à se demander s’ils ont eu raison de le faire.

Pendant ce temps là… … le monde change

Doucement mais sûrement, la France retrouve un peu d’attractivité aux yeux des entreprises étrangères. En 2016, c’est près de 30 000 emplois qui ont été créés par des entreprises étrangères sur le sol français, et plus 1117 installations d’entreprises étrangères, soit le meilleur score depuis 10 ans. Le premier pays investisseur sur notre sol est l’Allemagne devant les Etats-Unis. La dynamique semble se poursuivre sur ce début 2017…

L’industrie française n’est pas morte. Si la France a progressivement perdu sa place de grande puissance industrielle notamment au profit de l’Allemagne, certains de ses fleurons sont encore des acteurs majeurs. Peugeot, en achetant la marque Opel le mois dernier, a réveillé le monde moribond de l’industrie française.

 

Perspectives économiques et financières

L’activité économique reste soutenue dans toutes les zones du monde. En Europe le climat des affaires est toujours en progression : au plus haut depuis 6 ans, les ventes au détail progressent significativement (+1,8% en Allemagne) et le chômage diminue partout. Nombre de pays ont atteint le niveau de plein emploi (taux de chômage inférieur à 5%). De plus la Banque Centrale Européenne reste très active et continue à acheter toutes les dettes des états qui arrivent à échéance, ce qui permet de maintenir les taux à des niveaux très bas. Des taux certainement trop bas mais qui sont utiles pour la relance. Cependant, si le niveau de chômage continue à baisser à ce rythme, la Banque Centrale stoppera sa politique. Toutefois, elle a déjà annoncé qu’elle ne changerait rien avant octobre, c’est-à-dire après les élections allemandes. D’ici là les perspectives européennes sont donc excellentes (sauf choc politique évidemment).

Aux Etats-Unis, le PIB a été revu en hausse de 1.8% à 2.1% grâce à la consommation. En effet la confiance des consommateurs est à un niveau jamais vu depuis décembre 2000. Pour exemple, les ventes des logements sont en nette hausse de 5.5%, largement au-delà des attentes. Le risque de non application de toutes les réformes souhaitées par l’administration Trump pourrait être un léger frein, mais dans le même temps la Banque Centrale Américaine reste également à la manœuvre en limitant sa remontée de taux par des remontées très faibles et très sporadiques.

En Chine, les indicateurs de production industrielle sont à nouveau en hausse, confirmant les prévisions de croissance de 6,6%. Les infrastructures, largement financées par le gouvernement, l’immobilier et l’industrie sont les 3 grands moteurs de cette croissance. Cela est toutefois un constat a moitié satisfaisant car le développement des services ne prend pas suffisamment le relais des industries comme le souhaite le parti au pouvoir, en lien avec les réformes engagées il y a maintenant 6 ans.

La seule surprise économique du premier trimestre est venue de la baisse de l’inflation. Au-delà de la légère baisse du pétrole, l’inflation, qui revenait progressivement depuis mi 2016, a ralenti à nouveau.

Sur le plan des monnaies, le dollar se déprécie doucement face à toutes les autres sous l’impulsion, d’une part, des craintes de ne pas voir la politique Trump totalement appliquée, et d’autre part, sous l’effet d’une amélioration économique dans toutes les zones du monde plus significative qu’aux Etats-Unis.

Les pays émergents profitent, d’une part, de la dépréciation du dollar, car un dollar trop fort les pénalisent énormément en alourdissant le coût de leurs dettes majoritairement libellées en dollar, et d’autre part d’un retour à des prix « standard » des matières premières. La vigueur des pays émergents ne devrait pas faiblir sur les prochains mois, ces pays profitant du retour des capitaux d’investisseurs étrangers rassurés par les éléments précités, mais aussi par une stabilité politique qui s’améliore et des réformes structurelles qui se mettent en place.

Nos convictions

Le risque politique ayant repris de l’ampleur,
la question se pose de maintenir
ou réduire les prises de risques. toutefois, le retour de
l’investissement des entreprises
et la poursuite du regain de confiance généralisée
se confirmant dans les indicateurs économiques, il nous paraît
nécessaire de maintenir un niveau

Cependant, si l’inflation devait ne pas repartir à la hausse, la tendance pourrait s’effriter avant de se retourner. Il faut donc maintenir un niveau de diversification plus élevé.

Nos stratégies principales :

  • Les stratégies de primes de risques apportent des résultats satisfaisants et paraissent idéales dans la situation, pour un niveau de risque faible.
  • Les stratégies obligataires à très courtes maturités, afin d’éviter de trop fortes remontées de taux, dans les entreprises européennes.
  • Les stratégies obligataires dans les pays émergents (lire focus ci-après) nous semblent parfaitement adaptées et bénéficient d’un environnement favorable, malgré un niveau de risque un peu plus élevé.
    Les investissements sous forme de prêts dans les sociétés non cotées, sous format FCPR idéalement.

Les stratégies plus offensives qu’il nous paraît nécessaire de maintenir, renforcer ou initier sont les suivantes :

  • Les actions de petites et moyennes entreprises aux Etats-Unis et surtout en Europe
  • Les actions européennes en général mais en réduisant quelque peu les expositions sur les secteurs banques et énergies qui ont déjà beaucoup bénéficié du rebond des marchés.
  • Les actions émergentes de Chine, Asie du Sud-est en général. L’inde et le Brésil peuvent revenir progressivement dans cette poche action de vos portefeuilles.
  • Les matières premières et plus particulièrement les valeurs minières (Cuivre, Fer…) qui bénéficieront de la reprise de l’activité manufacturière et de la hausse des prix.

Nous pensons qu’il faut réduire le niveau d’exposition aux marchés américains, à part peut-être pour quelques valeurs de l’économie digitale qui semblent ne pouvoir que progresser.
A l’inverse, nous préférons éviter les secteurs du tourisme ; nous estimons que le secteur des nouvelles technologies reste très cher ; mais aussi les actions des pays émergents qui sont consommateurs et non producteurs de matières premières (Thaïlande, Vietnam…)
Sur les marchés des changes, comme évoqué précé- demment, la confirmation de la baisse du dollar est plus favorable aux investissements dans les monnaies des pays émergents que dans le dollar. Les effets du Brexit ouvriront des opportunités sur des investissements en Livre Sterling.
Enfin, compte tenu de l’évolution des prix et de la désormais remontée douce mais certaine des taux, nous conseillons, sauf cas particulier d’éviter des investissements significatifs sur des produit de type SCPI car le risque de liquidité nous paraît devenir important.

Focus

Les gains de productivité s’affaissent inexorablement

Selon une étude du FMI, un Américain moyen ne travaille aujourd’hui que 17 semaines pour gagner l’équivalent du revenu réel annuel d’un Américain moyen en 1915.

Malheureusement, la hausse de la productivité des pays industrialisés n’est plus que de 0,3 % par an, contre 1 % avant la crise de 2008. Ceci explique en grande partie l’incapacité de l’économie moderne à atteindre les niveaux de croissance qui lui seraient nécessaires pour élever le niveau de vie des populations.

La faible croissance de la productivité n’affecte pas seulement les pays industrialisés mais aussi les pays émergents et en développement. La décélération, déjà palpable avant la crise de 2008, n’a fait que s’amplifier depuis.

La productivité dans les pays riches s’est affaissée

C’est près de 5% de PIB mondial que nous avons perdu depuis la crise soit environ l’équivalent du PIB du Japon (3ème économie mondiale). Les causes avancées par le FMI sont nombreuses.

La faiblesse des bilans et une mauvaise répartition du capital des entreprises conjuguées à un resserrement du crédit ont freiné l’investissement. L’incertitude croissante sur l’évolution de l’économie mondiale et des politiques économiques des gouvernements a aussi découragé l’investissement dans des projets à plus haut risque et à plus fort rendement.

En France, la dégringolade est encore plus marquée : deux fois plus qu’aux Etats-Unis par exemple. Les raisons spécifiques du cas français sont essentiellement liées à la réduction de l’engagement des salariés dans leur emploi (en grande partie du fait de la démultiplication des contrats à temps partiel), et à la mauvaise intégration des nouvelles technologies dans le tissu productif français.

Des facteurs structurels anciens

Autre cause, plus générale, le vieillissement de la population, surtout dans les pays industrialisés. La productivité d’un être humain varie au cours de sa vie professionnelle en fonction de son expérience acquise, de la dépréciation de son savoir-faire et de ses capacités mentales et physiques. La déclinaison de sa productivité en fin de carrière est inéluctable et conduit à un recul de son innovation et donc de sa productivité.

Le ralentissement du commerce mondial constitue un autre facteur néfaste. La moindre interpénétration des économies freine la diffusion des meilleures technologies et peut ainsi laisser des entreprises moins productives survivre.

Les solutions proposées par le FMI peuvent surprendre : accélérer les réformes structurelles, ouvrir les frontières aux migrants, notamment pour les pays industrialisés vieil- lissants, refuser le protectionnisme, renforcer les politiques en matière d’innovation, d’éducation et de formation sont autant de pistes préconisées.

Obligations émergentes : vraie ou fausse bonne idée

Faut-il se laisser tenter ? En préambule il est important de repréciser ici que la zone émergente est si large et si diverse que nous ne pourrons pas raisonnablement envisager d’investir globalement la zone. Ensuite il convient de rappeler que la grande caractéristique des pays émergents pour un investisseur est son instabilité et donc son risque élevé.

Toutefois, nous anticipons 5 évolutions profitables à la dette obligataire émergente.

  1. La baisse des taux directeurs des 4 grands pays émergents nous paraît inéluctable. Brésil, Russie, Inde et Chine (BRIC) devraient baisser significativement leurs taux pour des raisons totalement différentes. Au Brésil, où la baisse devrait être la plus forte, cette prévision est liée à la baisse continue de l’inflation et au besoin de relancer une économie atone. En Russie, l’amélioration des relations avec les pays occidentaux et la stabilisation de la monnaie ne justifient pas de maintenir les taux actuels. En Inde, c’est la baisse de l’inflation qui devrait conduire la Banque Centrale à baisser légèrement ses taux. Enfin, en Chine, ce ne sera qu’en cas de risque de baisse d’activité que la Banque Centrale agira sur une baisse des taux mais cela est prévu courant 2017.
  2. La poursuite de l’appréciation du pétrole et des matières premières conduira à une nette amélioration des revenus des pays producteurs et ainsi à une baisse de la pression fiscale qui a été mise en place dans ces pays pour faire face à des prix trop bas en 2014 – 2015. Des pays comme le Mexique ou la Malaisie en seront les premiers bénéficiaires.
  3. Le système bancaire se renforce et se consolide par une forte diminution des créances douteuses et un fort déploiement du crédit. Cela créera des opportunités de qualité sur le marché de la dette obligataire construit en parallèle d’un système bancaire solide.
  4. Les déficits des pays vont poursuivre leur réduction par la croissance des revenus d’une part et les réformes structurelles d’autre part. Plus les déficits seront réduits, plus la dette de ces pays prendra de la valeur par la baisse du risque.
  5. Les risques politiques sont mieux contenus : les résultats des élections en Inde, Argentine ou Brésil ont stabilisé ces pays et ont vu l’engagement de grandes réformes structurelles favorables à la réduction de déficit, relance de la croissance et réduction de la corruption.

En conclusion nous pensons que c’est une vraie bonne idée d’initier une position sur cette catégorie d’actif.

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