La Carazette des marchés
Février 2025
Auteurs : par Camille Magdelaine et Yohann Derbyshire
DeepSeek : une révolution technologique chinoise qui défie les géants de l’IA
Plus tôt en janvier, la jeune entreprise chinoise DeepSeek a surpris le monde de l’intelligence artificielle (IA) en dévoilant son chatbot révolutionnaire, R1. Ce modèle, qui rivalise avec les technologies de pointe développées par des géants comme OpenAI et Google, serait selon les déclarations de l’entreprise moins onéreuse et moins énergivore que ses concurrentes. Mais cette prouesse technologique ne se fait pas sans controverse : des inquiétudes concernant la gestion des données, l’opacité des déclarations ainsi que la sécurité nationale et la véracité de ses propos ont rapidement émergé.
Une prouesse technologique à moindre coût
Contrairement aux approches traditionnelles nécessitant des investissements massifs, DeepSeek a démontré qu’il est possible de développer des systèmes d’IA performants avec des ressources réduites. Là où Meta (Facebook) a dépensé plusieurs dizaines de milliards de dollars pour entraîner ses modèles, DeepSeek aurait investi environ 6 millions de dollars en puissance de calcul pour développer sa puissance de calcul. Les ingénieurs chinois ont utilisé un nombre limité de puces spécialisées — environ 2 000 unités Nvidia, contre les 16 000 ou plus généralement nécessaires pour entraîner des modèles de même niveau comme ChatGPT.
Cette avancée remet en question une idée largement admise : celle que seules les grandes entreprises américaines, grâce à leurs budgets colossaux, sont capables de concevoir des modèles d’IA de pointe. En exploitant efficacement les ressources disponibles, DeepSeek s’imposerait comme un acteur disruptif dans un secteur traditionnellement dominé par des multinationales établies.
Une onde de choc sur les marchés
L’arrivée de DeepSeek sur le devant de la scène a eu un impact immédiat sur les marchés financiers. Les investisseurs, habitués à soutenir des entreprises basées sur des dépenses exponentielles en matériel et en énergie, se sont interrogés sur la viabilité des modèles économiques actuels. Les actions des entreprises technologiques ont accusé de lourdes pertes sur la journée d’annonce : Nvidia a chuté de 17 % ce qui représente 589 milliards de capitalisation boursière. En Europe, des groupes clés dans la chaîne de valeur de l’IA en raison de son fort besoin d’énergie, comme Schneider Electric et Legrand ont respectivement reculé de 7,5 % et 7 %. Ces entreprises, clés dans l’infrastructure des centres de données, se retrouvent fragilisées face à une technologie moins dépendante de ces équipements.
Des défis en matière de sécurité et d’éthique
Malgré son succès, DeepSeek n’échappe pas aux controverses. Plusieurs régulateurs européens, notamment en France, en Irlande et en Italie, ont demandé des éclaircissements sur la gestion des données utilisateurs. Taïwan a même interdit à ses fonctionnaires et infrastructures sensibles d’utiliser les applications de l’entreprise, invoquant des risques pour la « sécurité nationale de l’information ». L’Australie a interdit récemment le chatbot de DeepSeek sur les appareils professionnels des fonctionnaires, invoquant des « risques inacceptables » pour la sécurité nationale et des craintes de transmission de données au Parti communiste chinois.
Par ailleurs, le chatbot R1 présente les mêmes limites que d’autres outils développés en Chine : il est incapable de traiter des sujets jugés sensibles pour Pékin, comme la souveraineté de Taïwan ou des critiques sur le président Xi Jinping.
Ces restrictions soulignent les enjeux politiques intrinsèques à l’IA, dans un contexte où la rivalité entre la Chine et les États-Unis ne cesse de croître.
Un tournant stratégique pour l’intelligence artificielle
Le succès de DeepSeek illustre la montée en puissance des entreprises chinoises dans le domaine de l’IA. La Chine a annoncé son ambition de devenir leader mondial dans ce secteur d’ici 2030, avec des investissements massifs prévus pour les années à venir. Si les déclarations de DeepSeek sur ses performances et coûts soulèvent encore des doutes parmi certains spécialistes, elles pourraient redéfinir les priorités stratégiques de l’écosystème technologique.
Enfin, cette avancée pose des questions fondamentales : les géants américains de l’IA, qui se reposent sur des modèles coûteux, peuvent-ils rester compétitifs face à des solutions plus abordables ? Les sanctions américaines sur l’exportation de technologies sensibles, comme les puces Nvidia H100, sont-elles suffisantes pour freiner l’innovation chinoise ? Les réponses à ces questions détermineront l’avenir de l’intelligence artificielle, mais impactera surement aussi les équilibres économiques et politiques mondiaux.
Si, à long terme, cet événement bénéficie à cette thématique d’investissement en accentuant l’intérêt général et en favorisant l’accessibilité et la démocratisation de l’IA à travers la société et les différents secteurs, il met aussi en lumière, à court terme, les valorisations élevées des géants de la tech et leur vulnérabilité face à des chocs exogènes. Nous voyons ces fluctuations comme des opportunités stratégiques pour se renforcer sur cette thématique.
Investisseur à la recherche de revenus complémentaires : axer son portefeuille sur des actions à dividende est-il une bonne solution ?
Avec la remontée des taux d’intérêt, les opportunités de génération de revenus sur les actifs financiers se sont nettement améliorées. Pourtant, au-delà des placements obligataires, le marché des actions offre également une source intéressante de revenus complémentaires grâce aux dividendes.
Ces titres, qui offrent une rémunération périodique sous forme de dividendes, présentent indéniablement plusieurs avantages. Toutefois, cette approche peut restreindre l’univers d’investissement, en amenant l’investisseur à privilégier le dividende immédiat plutôt que de s’intéresser aux qualités fondamentales de l’entreprise. À long terme, c’est en effet la solidité et la croissance intrinsèques des sociétés qui influencent le plus l’évolution de leur cours de Bourse.
Pour rappel, les entreprises versent des dividendes lorsqu’elles jugent que réinvestir leurs bénéfices n’apporterait pas de croissance suffisante, préférant ainsi attirer les investisseurs et renforcer leur attractivité boursière.
Alors, investir dans ces actions est-il une solution pertinente pour un investisseur soucieux de percevoir un revenu régulier ?
Les atouts des actions à dividende
- Un revenu régulier et prévisible
Les actions à dividende permettent de percevoir des revenus réguliers, souvent trimestriels ou annuels, en fonction de la politique de distribution des entreprises. Pour les investisseurs souhaitant compléter leur retraite ou obtenir une source de revenu stable, ces versements constituent un attrait majeur. - Une résistance accrue en période de volatilité
Historiquement, les entreprises versant des dividendes réguliers sont souvent des sociétés matures, avec un modèle économique robuste et une capacité de génération de flux de trésorerie élevée. Ces valeurs ont tendance à mieux résister aux fluctuations des marchés que les actions de croissance, plus sensibles aux cycles économiques.
Les limites de cette approche
- Un potentiel de croissance limité
Les entreprises versant des dividendes élevés réinvestissent souvent moins de leurs profits dans leur propre croissance. Par conséquent, elles peuvent afficher une progression plus lente que certaines sociétés de croissance qui préfèrent réinvestir leurs bénéfices. - Le risque de coupe de dividendes
En cas de difficultés économiques, certaines entreprises peuvent réduire, voire suspendre le versement de leur dividende. Un exemple marquant est la crise de 2020, où de nombreuses sociétés ont temporairement supprimé leur distribution pour préserver leur solidité financière. - Biais géographique
L’investissement axé sur les dividendes tend à limiter l’univers d’investissement, notamment en Europe, où certaines sociétés ont une politique de dividende particulièrement attractive. Cela peut renforcer un biais géographique important, amenant l’investisseur à privilégier des zones où les rendements sont plus élevés, au détriment de marchés américains ou d’autres régions où les perspectives de croissance à long terme pourraient être plus prometteuses. Une telle stratégie pourrait donc réduire la diversification géographique du portefeuille et limiter le potentiel de gains. - Biais sectoriels
Ce type d’investissement conduit également à des biais sectoriels. Les entreprises qui distribuent des dividendes élevés se retrouvent souvent concentrées dans des secteurs bien spécifiques, comme les banques, le pétrole ou l’automobile. En se concentrant sur ces secteurs, l’investisseur peut passer à côté d’opportunités dans des secteurs en croissance rapide, comme la technologie ou la santé, où les sociétés préfèrent généralement réinvestir leurs profits plutôt que de distribuer des dividendes.
Les secteurs traditionnels, haut payeurs de dividende sont généralement plus cycliques. Ainsi un portefeuille à haut rendement aura tendance à être plus sensible aux cycles économiques - Effet de capitalisation des dividendes et frais de transaction
Pour bénéficier pleinement de l’effet de capitalisation, chaque dividende doit idéalement être réinvesti en actions. Cependant, ce réinvestissement génère des frais de transaction et une complexité de suivi qui peuvent nuire à l’efficacité de la stratégie. La gestion de ces réinvestissements, en particulier pour les dividendes reçus de multiples titres, requiert une attention constante et des coûts supplémentaires, réduisant ainsi l’impact de la capitalisation à long terme.
Comment bien sélectionner ses actions à dividende ?
Pour maximiser les bénéfices d’une stratégie axée sur les dividendes, il est crucial de sélectionner des entreprises de qualité. Quelques critères à surveiller :
- La régularité des versements : Privilégier les entreprises ayant un historique stable de distribution, voire une augmentation continue de leur dividende.
- Le taux de distribution (payout ratio) : Un taux inférieur à 70 % signifie que l’entreprise conserve une marge de manœuvre pour financer sa croissance.
- Le secteur d’activité : il faut avoir une approche globale du portefeuille afin d’apporter une cohérence en termes de répartition sectorielle et géographique.
Conclusion : une approche équilibrée
Investir dans des actions à dividende peut constituer une solution pertinente pour générer un revenu complémentaire.
Toutefois, il convient d’adopter une approche équilibrée en diversifiant son portefeuille afin de ne pas dépendre uniquement de cette source de rendement. Une stratégie mixte, combinant actions à dividende, obligations et autres actifs, peut offrir un compromis optimal entre rendement et moteurs de performance différents pour les investisseurs en quête de revenus réguliers.