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Bulletin n°70 – Octobre 2024

par Yohann Derbyshire

Bulletin n°70 – Octobre 2024

par Camille Magdelaine et Yohann Derbyshire

Nos convictions

Analyse Trimestrielle – État des lieux et perspectives des marchés

Malgré un éloignement apparent, les événements de l’été ont joué un rôle clé sur les marchés financiers. Face à un environnement monétaire jugé trop restrictif, la peur d’une récession a pris le pas sur le scénario initial d’un « atterrissage en douceur » de l’économie mondiale.

Retour des craintes de récession et indicateurs économiques

Le taux de chômage américain, qui atteignait un plancher historique de 3,7 % en début d’année, a depuis progressé à 4,1 %, signalant une reprise modeste, mais inquiétante pour les marchés. Parallèlement, les indicateurs avancés (PMI) montrent une nette décélération, en particulier aux États-Unis (PMI composite : 54,4), tandis que la zone euro demeure fragile (PMI composite : 48,9) après un rebond saisonnier lié aux Jeux Olympiques de Paris 2024.

En août, la volatilité des marchés a brièvement atteint des niveaux historiquement élevés avant de se modérer grâce à des indicateurs plus rassurants concernant l’économie américaine. 

Chine : Un plan de relance massif, mais des doutes subsistent

De son côté, la Chine a déployé des mesures importantes pour soutenir son économie, en émettant des obligations et en abaissant significativement ses taux d’intérêt. Ce plan, le plus vaste depuis la pandémie de Covid-19, a conduit à une hausse de 20 % des marchés boursiers chinois. Néanmoins, il est encore trop tôt pour évaluer l’impact réel de ces mesures sur l’économie réelle. 

Géopolitique : Montée des tensions et impacts sur les marchés

Sur la scène internationale, les tensions entre Israël et l’Iran continuent de s’intensifier, avec des répercussions directes sur les marchés. Le cours du pétrole a ainsi grimpé de 5 % en une semaine, une tendance qui pourrait se maintenir, voire s’accentuer. Cette montée des risques géopolitiques, combinée à une plus grande prudence des investisseurs, se traduit également par un renforcement du dollar américain et une baisse des taux obligataires.

France : Pression fiscale et incertitude économique

Sur le plan national, la France fait face à une potentielle hausse de 8,5 points de l’impôt sur les sociétés, comme l’a annoncé le Premier ministre Michel Barnier. Bien que cette mesure ne soit pas encore actée, elle crée des incertitudes pour les entreprises et les investisseurs.

Ce chiffre est une démonstration des problématiques de déficit de notre pays : la France emprunte désormais à un taux d’intérêt plus élevé à 5 ans que la Grèce : 2,42 % en France, contre 2,38 % en Grèce.

Performance et stratégie d’investissement

Les performances des marchés financiers depuis le début de l’année sont hétérogènes. Si le CAC 40 stagne autour de 0 %, les actions américaines affichent des hausses proches de 20 %. Ce contexte nous profite grâce à la diversification de nos portefeuilles internationaux peu concentrés en France.

Sur le marché obligataire, les anticipations d’une baisse des taux ont déjà permis une revalorisation des obligations, avec des performances évoluant entre 3 % et 4,5 % selon les zones et le risque de crédit depuis le début de l’année. 

En effet, les dernières opportunités pour verrouiller des taux attractifs se dessinent avant que les banques centrales accentuent leurs baisses de taux. Bien que nous considérons que le marché soit un peu trop optimiste sur la rapidité de ces baisses, l’important reste de se positionner dès à présent afin de les cristalliser.

Perspectives : Les marchés à surveiller

  1. États-Unis : L’économie américaine, tirée par une forte croissance dans le secteur technologique, continue de croître. Cette tendance structurelle réduit l’impact des cycles économiques traditionnels. La hausse récente des marchés n’est pas uniquement due à des valorisations plus élevées, mais aussi à une amélioration des fondamentaux. La croissance bénéficiaire des entreprises du S&P 500 était de 13 % le trimestre dernier et devrait atteindre encore 5 % ce trimestre. Les actions américaines sont donc sur des niveaux de valorisation élevés mais cette évolution se justifie par cette croissance exceptionnelle. 
  2. Europe : Les valorisations restent compressées, offrant des opportunités, bien que nous recommandions une approche diversifiée avec une prudence accrue vis-à-vis des actifs français.

Sur le plan obligataire, la baisse attendue des taux pourrait réduire l’attrait des investissements en obligations, à mesure que les rendements diminueront. Cependant, à court terme, l’environnement demeure propice à la constitution de positions.

Volatilité et risques à venir

Nous anticipons une possible augmentation de la volatilité sur les marchés actions au cours des prochains mois, sous l’effet de plusieurs facteurs :

  • Un accroissement des tensions géopolitiques au Moyen-Orient, à Taïwan et en Ukraine ;
  • Des délais dans la matérialisation des effets du plan de relance chinois ;
  • Les échéances politiques américaines, avec la prochaine élection présidentielle opposant Kamala Harris à Donald Trump.
  • Annonces en France et impact sur la prime de risque sur les actions françaises

Ces éléments, bien que augmentant possiblement la volatilité, nous rappellent qu’un investissement à long terme est important et une diversification importante des positions.

Conclusion : En résumé, la stratégie pour les prochains mois reste axée sur une diversification prudente et une approche sélective des marchés. Le marché obligataire continue d’offrir des opportunités à saisir, tandis que les marchés actions, bien que solides, pourraient connaître une volatilité accrue dans le contexte géopolitique actuel.


Flottant d’une action en bourse : un indicateur clé de la liquidité d’une action

Le flottant d’une entreprise cotée en bourse désigne la part des actions de cette entreprise qui est disponible à la négociation sur les marchés financiers. Autrement dit, ce sont les actions qui ne sont pas détenues de manière stable ou stratégique par des actionnaires importants (comme les fondateurs, les dirigeants, ou des investisseurs institutionnels). Le flottant est donc composé des actions disponibles pour les investisseurs individuels ou institutionnels dans le cadre d’achats et de ventes sur le marché secondaire.

Le flottant : un indicateur de la liquidité d’une action

Le flottant est un indicateur essentiel pour évaluer la liquidité d’une entreprise sur les marchés financiers.

Plus le flottant est élevé, plus les actions sont nombreuses et disponibles pour être échangées, ce qui facilite la négociation et tend à réduire la volatilité des cours. Inversement, un faible flottant peut entraîner une plus grande volatilité, car une petite variation de la demande peut provoquer des mouvements de prix plus importants.

Pour prendre l’exemple du CAC 40, les maisons de luxe se distinguent par des flottants assez faibles car l’actionnariat familial reste très marqué : 32% chez Hermès, 51% chez LVMH.

Au contraire, les autres sociétés de cet indice ont souvent un flottant proche de 80%.

Plus la capitalisation va être faible, plus les flottants sont généralement faibles.

A quoi correspond la partie non flottante d’une société cotée en bourse ?

La partie non flottante, souvent appelée capital immobilisé, est détenue par des actionnaires stratégiques qui n’ont pas l’intention de vendre leurs actions à court terme. Ces actionnaires peuvent être :

  • Des investisseurs de long terme (fonds de pension, fonds souverains) ;
  • Des familles fondatrices ou des membres de la direction ;
  • Des partenaires stratégiques (entreprises ou autres entités ayant un intérêt particulier dans l’entreprise).

Ces actionnaires disposent généralement d’un droit de vote plus important dans les assemblées générales, car ils possèdent une part significative du capital de l’entreprise.

La gestion de la partie non flottante repose souvent sur des accords contractuels entre les actionnaires et l’entreprise, qui encadrent les conditions de vente des actions, la gouvernance de l’entreprise et les stratégies à long terme.

Ces actions non flottantes ne sont pas concernées par les fluctuations de prix à court terme, car elles ne sont pas sur le marché libre.

Comment une société peut changer la part flottante/non flottante de son capital ?

Une société peut changer la structure de son capital de plusieurs manières, afin d’augmenter son flottant elle peut recourir à ces différentes solutions :

Vente directe : Le fondateur peut vendre une partie de ses propres actions sur le marché boursier. Cela augmente immédiatement la part des actions disponibles pour les investisseurs publics et donc le flottant.

Placement privé : Le fondateur peut vendre une partie de ses actions via des placements privés à des investisseurs institutionnels (souvent des banques), qui les revendront ensuite sur le marché public.

Une entreprise peut procéder à une offre publique secondaire où des actionnaires existants (y compris le fondateur) vendent des actions déjà émises mais non encore sur le marché. Cela ne dilue pas les actionnaires existants car aucune nouvelle action n’est créée, mais cela augmente le nombre d’actions en circulation sur le marché libre.

Une entreprise peut émettre de nouvelles actions pour lever des fonds, ce qui dilue la participation des actionnaires existants (y compris celle du fondateur) et augmente le flottant. Généralement la réaction du marché est négative car les actionnaires existants ne sont pas favorables à une dilution.

Obligations convertibles : Si une entreprise a émis des obligations convertibles (ou d’autres titres convertibles comme des bons de souscription), celles-ci peuvent être converties en actions, ce qui augmente le nombre d’actions disponibles sur le marché.

Ces stratégies doivent être soigneusement pensées, car elles peuvent avoir des implications sur le prix de l’action et la structure de l’actionnariat. En augmentant le flottant, le fondateur dilue souvent son propre contrôle sur l’entreprise, ce qui peut avoir des conséquences sur la gouvernance et la gestion.

En conclusion, le flottant d’une entreprise cotée est essentiel pour évaluer sa liquidité et sa volatilité. Un flottant élevé facilite les échanges et réduit les fluctuations de prix, tandis qu’un faible flottant peut entraîner une plus grande volatilité. Modifier la part flottante, que ce soit par vente d’actions, placements privés ou émissions de nouvelles actions, est une décision stratégique qui impacte la gouvernance et la structure de l’actionnariat. Il est donc crucial de bien gérer cet équilibre pour préserver la stabilité et les intérêts de l’entreprise.


Mesure de relance : quels impacts pour le CAC 40 ?

La Chine a récemment mis en place son plus grand plan de relance économique depuis la pandémie, avec pour objectif de soutenir une économie en perte de vitesse. Entre des données économiques décevantes et une crise immobilière persistante, Pékin a décidé de frapper fort avec des mesures combinant assouplissement monétaire et soutien direct aux marchés financiers. Parmi les mesures phares, la Banque Populaire de Chine (PBOC) a réduit de 50 points de base les taux de réserves obligatoires des banques, libérant ainsi 142 milliards de dollars pour stimuler les prêts et soutenir les secteurs en difficulté, comme l’immobilier. La PBOC injecte 71 milliards de dollars pour dynamiser le marché boursier et proposera des prêts à faible taux aux banques pour financer des rachats d’actions.

Ces mesures ont immédiatement redonné de l’élan aux marchés financiers chinois, mais elles ne s’arrêtent pas là. L’impact des politiques de relance chinoises se répercute aussi sur les entreprises internationales, et en particulier celles du CAC 40, pour lesquelles la Chine représente un marché crucial. Trois secteurs, en particulier, ressortent comme les principaux bénéficiaires de cette relance : le luxe, l’industrie, et l’automobile.

Le secteur du luxe, moteur historique du CAC 40, est directement lié à la demande des consommateurs chinois. Les grandes maisons comme LVMH, Kering (propriétaire de Gucci), ou encore Hermès réalisent une part considérable (en moyenne entre 30 et 40%) de leur chiffre d’affaires en Chine, où les consommateurs affluent vers les produits de luxe, considérés comme des symboles de statut social. Dans ce contexte, la relance économique chinoise devrait renforcer la consommation intérieure, notamment grâce à l’assouplissement des taux d’intérêt et aux aides directes au marché immobilier. Ces mesures ont déjà eu des effets visibles : à la Bourse de Paris, les actions des entreprises de luxe ont bondi. LVMH, Kering et Hermès ont tous vu leurs valeurs augmenter de plus de 9 %, et L’Oréal, également très exposé à la Chine, a progressé de 7 %.

Le secteur industriel, notamment celui des matières premières et de l’énergie, est également bien positionné pour tirer profit de cette relance. A titre d’exemple, TotalEnergies, qui opère en Chine depuis plus de 35 ans dans la production gazière et le développement de projets solaires, devrait bénéficier de l’augmentation de la demande pour les projets d’infrastructures et de construction. L’implémentation du groupe en Chine se poursuit : l’entreprise a prolongé de cinq ans son contrat de vente de gaz naturel liquéfié avec CNOOC, prévoyant la livraison de 1,25 million de tonnes de gaz naturel liquéfié par an en Chine jusqu’en 2034. En injectant des liquidités massives dans son économie, Pékin veut relancer la construction immobilière et soutenir les industries stratégiques, un processus qui nécessitera une énorme quantité d’acier, de pétrole et de gaz.

Un autre bénéficiaire de la relance chinoise est le secteur automobile. Les constructeurs français comme Renault ou Stellantis sont présents sur le marché chinois (jusqu’à 10% de leur chiffre d’affaires) et devraient bénéficier de la reprise, bien que leur part de marché y soit limitée par rapport aux marques allemandes et américaines. De plus, la Chine est un acteur clé dans la production et la consommation de semi-conducteurs. Pour rappel, la crise du COVID-19 avait perturbé les chaînes d’approvisionnement globales, entraînant une pénurie mondiale de ces composants essentiels pour les véhicules modernes et la technologie d’une manière plus globale. Cette stabilisation des chaînes d’approvisionnement représente un autre levier essentiel pour le CAC 40, où les entreprises dépendent largement des composants chinois.

La reprise de la consommation et des investissements chinois pourrait renforcer ces entreprises et consolider leur position sur le marché mondial. Toutefois, si ces annonces ont un effet positif à court terme, il faut être vigilant quant à l’efficacité plus long terme de ces mesures, alors que le pays fait face à des défis structurels comme le vieillissement de la population et un déclin démographique. La situation reste pour le moment instable et la volatilité sera durable sur la région, d’autant plus que les tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis ou l’Europe s’intensifient : Pékin va imposer aux importateurs de cognac européen de déposer une caution auprès des douanes chinoises. Cette décision intervient après celle de l’Union Européenne d’imposer des surtaxes supplémentaires sur les véhicules fabriqués en Chine. Seuls les Jeux Olympiques avaient permis une trêve des tensions alors que la Chine avait accepté de ne pas imposer de taxes douanières « provisoires » contre le cognac français. Cette dépendance à l’égard de la Chine rappelle également l’importance pour les entreprises françaises de diversifier leurs marchés et de rester vigilantes face aux risques économiques et géopolitiques.

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