La Carazette des marchés
Février 2022
Le bruit des bottes rouges en Ukraine pourrait nourrir l’inflation
Le risque géopolitique se renforce en Europe avec la présence de 110 000 soldats russes à la frontière ukrainienne. Alors que le mot Ukraine signifie en russe “pays frontalier”, l’invasion de Vladimir Poutine semble en préparation.
La situation se dégrade depuis 2014, où la Russie a annexé la Crimée, région péninsulaire au sud de l’Ukraine entourée par la Mer Noire. La Russie s’est alors dotée de 27 000 km2 supplémentaires et surtout de trois fois plus d’espace maritime en Mer Noire, riche en pétrole et gaz. Dès lors, l’Ukraine s’est de plus en plus tournée vers l’Union Européenne à la recherche de soutien, notamment en signant immédiatement un traité de libre échange. La Russie voit d’un mauvais œil ce rapprochement avec des pays membres de l’OTAN, organisation lancée après la seconde guerre mondiale pour se prémunir de futures attaques de la Russie (URSS). Aujourd’hui, d’un point de vue stratégique, les actes russes seraient motivés pour protéger cette zone via l’annexion de la région du Donbass qui relie la frontière russe à la région stratégique de la Crimée.
Dans un contexte déjà inflationniste sur les matières premières, l’escalade des tensions fait craindre des problématiques d’accès au gaz notamment pour l’Europe, 40% de son approvisionnement provient de la Russie. Cette guerre potentielle du gaz est hautement politique, les pays européens craignent un arrêt de l’approvisionnement via le gazoduc russe Nord Stream II (1200 km entre la Russie et l’Allemagne qui assure l’approvisionnement d’une grande partie du gaz européen). De l’autre côté de l’Atlantique, le sujet est également suivi par Washington qui craint que le Kremlin utilise cette dépendance comme une arme politique envers l’Europe.
Dans ce contexte, les prix du gaz se sont déjà envolés d’environ 300% sur un an et pourraient continuer à augmenter drastiquement. Cette hausse ne favoriserait pas l’inflation importante déjà présente. L’institution européenne gouvernée par Christine Lagarde ne veut pas faire la même erreur qu’en 2011. A l’époque, la BCE avait choisi de relever ses taux à cause de la remontée des prix de l’énergie, entraînant par la suite une crise des dettes souveraines de la zone euro. Comme s’amuse à l’appeler certaines personnes, “Madame inflation » espère que ces tensions s’apaiseront pour l’aider dans ces futurs choix de politique monétaire.
Derrière la forêt des GAFAM, les arbres du Nasdaq tombent
En 2021, le Nasdaq s’est enflammé grâce aux records des MAGMA, nouvelle appellation des GAFAM suite à la transformation de Facebook en Meta. Ces 5 géants technologiques (Meta, Amazon, Google, Microsoft & Apple) sont considérés par certains investisseurs comme des valeurs refuges. En ajoutant Tesla et Nvidia, leurs capitalisations dépassent les 10 000 milliards d’euros et représentent près de 50 % de la valeur de l’indice Nasdaq 100.
Le constat est rapide, si les 10 principales actions du Nasdaq représentent 50 % de l’indice, à l’inverse 90 % des sociétés qui le composent représentent moins de la moitié de sa valeur.
Depuis les plus hauts de 2021, l’évolution des cours du Nasdaq 100 est en berne. En écartant la performance des MAGMA, nous remarquons une toute autre réalité : les parcours boursier de ces 100 sociétés sont très hétérogènes. En effet, depuis mi-novembre, 40 % des entreprises du Nasdaq Composite ont vu leur cours dévisser. A titre d’exemple, la célèbre société Zoom (visioconférence) ou Téladoc (téléconsultation médicale), sociétés stars de la pandémie, ont vu leurs cours divisés par 4 depuis leur point haut. Il en est de même pour le cours de Twitter ou Block – ex Square (service de paiement en ligne) qui a été divisé par 2,5. Ces sociétés reculent fortement pour des raisons de craintes sur les valorisations dans un contexte de remontée des taux. Cette perspective obligera ces sociétés à augmenter la croissance de leur bénéfice afin de conserver une valorisation acceptable par le marché.
La très forte influence de méga capitalisations sur l’évolution des indices boursiers peut avoir des conséquences très lourdes. La saison des résultats actuelle nous le rappellera avec la chute de -26% de Meta. Rien qu’à ce jour, 200 milliards de dollars de valorisation de la société Facebook ont été ainsi perdus. Dans un contexte où les investisseurs ont de plus en plus recours à la gestion passive, il est intéressant de s’interroger sur le caractère diversifiant de ces solutions d’investissement.
La pénurie des semi-conducteurs : un chantier gigantesque
Depuis plus de 18 mois, la pénurie mondiale des semi-conducteurs continue de peser sur diverses industries. Les spécialistes du secteur ne prévoient pas de normalisation de la situation avant la fin de l’année.
Au cours des derniers mois, vous l’avez sûrement remarqué lors de l’achat d’un ordinateur ou d’une voiture, les délais de livraison sont beaucoup plus longs. Ils s’expliquent par des stocks disponibles plus faibles entraînant une hausse des prix. La réponse se trouve en partie dans des puces cachées dans vos appareils électroniques appelées semi-conducteurs.
Qu’est-ce que les semi-conducteurs et pourquoi sont-ils si importants ?
Le premier circuit imprimé voit le jour en 1958 grâce aux ingénieurs de la société américaine Texas Instrument. L“Or noir” du XXIème siècle, les semi-conducteurs, sont les cerveaux de l’électronique moderne. Omniprésents dans notre quotidien, ils se retrouvent notamment dans les dispositifs médicaux, les communications, l’informatique, la défense, les transports et l’énergie propre … Ils jouent un rôle majeur dans les technologies d’avenir telles que l’intelligence artificielle, l’informatique quantique et les réseaux sans fil avancés.
D’où vient la pénurie ?
La pénurie est partie d’un choc de l’équilibre entre l’offre et la demande en 2020 en raison de la pandémie. Alors que de nombreux pays imposent des confinements, les besoins en équipement informatique mais aussi les produits de divertissement (équipement jeux vidéo, téléviseurs) ont explosé. Toutefois, cette forte accélération de la demande pour ces produits de grande consommation n’est pas le seul facteur. Depuis mi-2020, la demande en semi-conducteurs de l’industrie automobile a fait un bond, stimulé par l’électrification du parc automobile et l’adoption de nouvelles technologies (systèmes d’aide à la conduite et autonomes). La société américaine Intel, spécialiste du secteur, a déjà prédit que d’ici 2030, environ 20% du coût total des véhicules proviendra des semi-conducteurs.
La grande majorité de la fabrication de « wafer », plaquettes fines de silicium sur lesquelles sont gravées les semi-conducteurs, est assurée par deux entreprises asiatiques, TSMC (Taïwan) et Samsung (Corée du Sud). Elles détiennent près de 70% de la demande mondiale. Malgré des capacités de production déjà très importantes, ces deux acteurs ont du mal à faire face aux besoins de leurs clients. Pour répondre à cette demande, il faudrait augmenter le nombre de fonderies. Cependant, cet investissement est coûteux et long (3-4 ans de construction). TSMC et Samsung ont déjà annoncé respectivement des investissements records : 100 milliards USD d’ici 2025 et 115 milliards USD d’ici 2030.
La pandémie a révélé les faiblesses d’une chaîne d’approvisionnement trop dépendante à l’Asie et a questionné la souveraineté de l’Union Européenne. Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur, alerte sur « la dépendance à Taïwan, qui représente plus de 50 % de la production mondiale, est telle que si elle ne pouvait plus exporter, en trois semaines la quasi-totalité des usines dans le monde s’arrêterait ». C’est donc un enjeu de souveraineté nationale !
Dans ce contexte, la Commission Européenne a présenté son European Chips Act ce mardi 8 février avec pour objectif de produire 20% de la production mondiale d’ici 2030 soit quadrupler sa production en 8 ans. Les champions européens comme STMicro, Infineon ou NXP devraient en profiter. De l’autre côté de l’Atlantique, Biden encourage le congrès à adopter le Chips Bill. Ce plan financerait pour 52 milliards USD la recherche ainsi que la construction de fonderies alors que le pays ne fabrique qu’environ 10% des puces qu’il utilise.
Cupidon ajoute une flèche digitale à son arc
Avec la Saint-Valentin, nous avons une pensée toute particulière pour les célibataires. Trouver l’âme sœur n’a jamais été chose simple. Alors comment maximiser ses chances dans un univers toujours plus digital ? Vous l’aurez devinez, nous allons vous parler du marché des applications de rencontre.
L’étude « How couples Meet and Stay Together » de l’Université de Stanford a mis en exergue l’évolution des modes de rencontre des couples à travers le temps. Depuis l’apparition des smartphones, nos modes de consommation ont considérablement changé : l’e-commerce, les réseaux sociaux, les médias font parties intégrantes de notre quotidien. La digitalisation n’aura pas épargné notre vie sentimentale. Les habitudes de rencontre ont donc considérablement évolué. Par exemple, les couples se rencontraient davantage à travers les événements familiaux entre les années 60 à 70 ; alors qu’à partir des années 80 et jusqu’en 2000, un des premiers lieux de rencontre était le travail, suivi des bars et des restaurants. Aujourd’hui, une personne sur cinq rencontre son partenaire à travers les applications de rencontre.
Dans ce marché, un acteur se démarque, Match Group. Vous ne le connaissez peut-être pas mais cette société possède un portefeuille de plusieurs applications de rencontre (14). Le groupe est un vrai Cupidon digital, il représente 60% des relations qui ont débuté sur une application de rencontre. A titre d’illustration, ce mastodonte a une capitalisation boursière de 33 Mds USD ce qui le placerait environ à la 21ème place des sociétés les plus importantes du CAC 40. Par ailleurs, son application phare Tinder est l’application de rencontre la plus téléchargée sur les smartphones. Elle représente plus de 60 millions d’utilisateurs actifs dans le monde. Ces utilisateurs sont attirés par l’espoir de trouver l’âme sœur depuis leur smartphone gratuitement. Ces sociétés utilisent néanmoins des algorithmes afin de rendre la recherche fastidieuse et tout à la fois addictive. Les plus déterminés pourront s’offrir des services premiums payants leur permettant de trouver plus facilement et rapidement leurs conquêtes.
Ce marché représente 7.35 Mds USD en 2020 et devrait atteindre près de 11 Mds USD en 2028 soit une croissance de plus de 5% par an. Celle-ci s’explique par la démocratisation de ce mode de rencontre qui séduit un public de plus en plus large : les plus jeunes comme les plus âgés.
L’histoire boursière de Match Group reste assez récente (juillet 2020) mais d’autres acteurs s’intéressent au sujet. Des spécialistes comme Bumble ou Meta Platform (Facebook) essaient de se frayer une place sur le podium de l’amour.
Enfin, si vous n’êtes pas encore à l’aise avec la rencontre de votre futur prétendant(e), ces sociétés comptent bien vous offrir de nouvelles expériences de rencontre via le Métaverse. Récemment, Match Group a annoncé des développements dans ce sens. En attendant ces avancées technologiques, nous vous souhaitons une bonne Saint-Valentin.
Auteurs des articles : Alexandre Simon, Chloé Buewaert, Charlotte Temple, Alioune Niang & Yohann Derbyshire.