La Chine à rude épreuve
Depuis plus d’un an, la sphère économique s’inquiète de la capacité de la Chine à maintenir son niveau de croissance et sa volonté de développer la consommation de sa classe moyenne. Ayant d’abord dû faire face au courroux de l’impérialisme américain bien décidé de rompre avec les pratiques commerciales facilitant le développement de la Chine, elle doit faire face à de nombreuses frondes politiques (Hong-Kong, Taiwan) et désormais le coronavirus.
En supposant que la situation sanitaire s’améliore rapidement, c’est le chemin qui se dessine actuellement, cet épisode aura marqué la communauté internationale. La Chine est forte, puissante, n’a besoin de personne pour faire face et peut s’autoriser à stopper 50 % de son économie sans vraiment vaciller.
Bien sûr elle dispose, et utilise à bon escient, le merveilleux trésor de 3 000 milliards de dollars de réserves de change, acquis année après année grâce à la frénésie du consommateur mondial, se gavant de produits « Made In China ». La plus grande usine du monde leur a ainsi permis d’acquérir ce trésor sur le dos des économies dites développées – développées mais peu inspirées.
Ce trésor, elle l’utilise d’une part, pour générer régulièrement de grands plans d’investissements dans les infrastructures mais surtout pour autoriser les banques à réduire les réserves obligatoires pour générer plus de crédit. En Europe, après 2011, nous avons tout fait pour augmenter les réserves obligatoires des banques ce qui a beaucoup freiné le développement économique. Eux, ont les moyens de faire strictement l’inverse.
Évidemment cela augmente significativement le niveau d’endettement des acteurs économiques mais le gouvernement est en contrôle grâce à son trésor. Mais son trésor financier n’est pas tout. Pour comprendre comment et pourquoi la Chine devient progressivement la première puissance mondiale, il faut analyser leur culture si différente de la nôtre.
D’abord les Chinois sont très individualistes : 30 ans de politique d’enfant unique ont bouleversé leurs habitudes et leur mentalité. Les Chinois sont tournés vers eux-mêmes et sont de fait de vrais nationalistes. Xi Jinping a pris, sans aucune résistance, les pleins pouvoirs d’une nation dont la population est toute dévouée à cette nation.
Ensuite, ils vivent dans des espaces étriqués. A Hong-Kong 50 % de la population vit au-delà du 16ème étage, dans des espaces très petits. Leur mode de vie, leur mode de consommation sont très différents des nôtres : sans espace, pas de consommation de biens durables, pas de place pour la voiture…
Enfin et surtout, ils sont bien plus avancés sur la révolution numérique que nous. Un exemple, ils n’ont pas Facebook, Amazon et Google. Mieux, ils ont tout en un : Wechat. Un monstre qui connait tout de leur mode de vie, leurs habitudes, leurs fréquentations, leurs envies… La révolution numérique la plus forte ne vient pas des Etats-Unis mais de Chine.
La Chine dispose encore de bien d’autres forces, comme la forte présence de sa population partout dans le monde, ses acquisitions d’infrastructure partout sur le globe…
La Chine sera bel et bien, sous peu, la première puissance économique mondiale et les élites américaines ont bien utilisé l’instrument Trump pour lancer le début des hostilités avec cette Chine qui menace tant la façon dont les Etats-Unis dominent le monde. Après une année 2019 âpre, l’accord signé en décembre 2019 a pour but de préserver une période d’accalmie nécessaire au bon déroulement des élections américaines.
Les secousses n’ont fait que commencer. Au pire, cela ralentira l’économie mondiale et la vitesse à laquelle la Chine deviendra première, mais rien ne l’arrêtera.
La France profite pleinement du Brexit
Cette fois-ci c’est définitif, les Anglais ont quitté l’Union Européenne.
Si les négociations pour de nouveaux accords économiques et commerciaux dureront au moins un an, une chose est certaine, Londres a déjà perdu depuis longtemps son statut de place forte de la finance européenne. On ne compte plus les milliards d’euros partis vers le Luxembourg et les équipes progressivement déplacées vers Frankfort, Genève, Dublin, Luxembourg ou Paris.
Par exemple, cela fait près de deux ans que la banque d’affaires américaine JP Morgan songe à déplacer des équipes de Londres à Paris. Le projet devrait se concrétiser en 2020, avec l’arrivée en septembre prochain de 150 banquiers et personnels de la salle de marché – des vendeurs de produits en euros couvrant des clients en Europe du Sud et en France.
La moitié d’entre eux seulement sont des Français.
Pas de doute, JP Morgan voit grand, puisque pour l’occasion, JP Morgan a racheté à BNP Paribas un bâtiment situé place du Marché Saint Honoré, qui communique avec ses locaux historiques de la place Vendôme. Celui-ci pourra accueillir à terme 450 personnes : la banque envisage en effet de transférer dans un second temps des équipes de traders, soit environ 300 personnes supplémentaires. Mais le calendrier reste incertain et tout dépendra de l’évolution des discussions sur la période de transition du Brexit car certaines activités comme le trading sont particulièrement régulées et rendent les procédures de transfert plus longues.
Plus de trois ans après le référendum du Brexit, il demeure difficile d’établir clairement le nombre de transferts d’équipes effectivement réalisés de Londres vers Paris dans l’industrie financière, même si l’association Europlace, qui représente la place de Paris, évoque tout de même la relocalisation de quelque 4.000 emplois dans le secteur.
Mais cette relocalisation n’est pas terminée et Paris a tous les atouts pour accueillir ces enseignes et devenir un concurrent crédible face à l’Allemagne.
Le style de vie parisien, le tissu économique, la puissance du système bancaire français et la place centrale de la France en Europe font partie de ses atouts. A cela s’ajoute le fait que le gouvernement a mis en place un dispositif particulièrement attractif, avec une série de mesures visant à mettre le cadre fiscal et légal français en ligne avec son principal rival, l’Allemagne.
Les banques ont multiplié les annonces dans le sillage du Brexit, mais n’ont souvent déplacé dans les faits que quelques dizaines de personnes chacune. HSBC a ainsi transféré une centaine de personnes, contre un plan initial annoncé à un millier. A ce jour, le mouvement le plus ambitieux reste celui effectué par Bank of America, qui a inauguré en novembre une nouvelle filiale française employant environ 400 personnes, dont la majorité étaient jusque-là basée à Londres.
La conséquence première est immobilière. Les tarifs des bureaux ont explosé dans les arrondissements des quartiers d’affaires et les prix des logements des quartiers huppés ne font que commencer à monter.
Pendant ce temps-là :
La seule femme à la tête d’une entreprise du CAC 40 est poussée vers la sortie : un conseil d’administration du géant de l’énergie Engie a décidé ce jeudi que la directrice générale Isabelle Kocher ne serait pas reconduite. La guerre interne faisait rage à coup de grand déballage médiatique ces dernières semaines. Les têtes du CAC 40 pourraient donc redevenir 100 % masculines… l’air du temps ?
Le monde change :
Le secteur de la production d’aliments à base d’insectes pour nourrir les animaux est en hyper croissance. L’Europe a produit 5 millions de tonnes en 2019 et prévoit une croissance de 20 % par an. Les investissements se multiplient en France, qui s’installe en leader mondial de la filière.
Perspectives économiques et financières
L’actualité s’est, à juste titre, beaucoup concentrée sur la Chine et l’épidémie de coronavirus qui paralyse encore aujourd’hui une importante partie de l’économie chinoise. Avouons-le, à compter du jour où elles ont décidé de réagir, les autorités chinoises nous ont impressionnés. Grâce au soutien financier de l’économie par la banque centrale, les autorités chinoises ont montré toute leur puissance en construisant notamment des hôpitaux flambants neufs, sortis de terre en 10 jours, ayant la capacité de mettre en quarantaine des villes de plusieurs millions d’habitants en quelques heures..
Pour autant, l’impact économique sera réel. Impossible de le chiffrer à ce jour, tant que les quarantaines ne sont pas terminées. Mais cet épisode intervient à un moment ou l’économie chinoise et ses voisins asiatiques dans leur ensemble étaient en plein relance de leur économie avec une forte amélioration de la conjoncture, liée notamment, à la signature de la première phase d’un accord commercial entre les Etats-Unis et la Chine, mais aussi à une forte hausse de la consommation interne. Il est assez aisé de parier que l’industrie ne rattrapera pas le retard lié à cette paralysie de l’économie mais la consommation, elle, pourra rebondir très fortement.
A ce stade, nous ne sommes donc pas inquiets sur ce point, et le rebond opéré par les marchés financiers confirme que nous ne sommes pas les seuls. Toutes les analyses des grandes banques prédisent des chiffres ralentis au premier trimestre mais au rattrapage dès le deuxième trimestre. La société LVMH, très exposée à la Chine a indiqué que compte tenu de la dynamique globale avant l’épidémie, elle s’attendait à voir des chiffres du deuxième trimestre conformes à ses attentes initiales.
La non-propagation de l’épidémie au niveau mondial a aussi très vite rassuré les économistes sur l’impact limité du phénomène.
De plus, aux Etats-Unis, comme en Europe, chaque jour au moins une entreprise publie des résultats 2019 record : Apple, Microsoft, BNP Paribas…
Les politiques coordonnées et accommodantes des banques centrales ont donc parfaitement fonctionné. Vont-elles se poursuivre ? Oui en 2020 et ainsi favoriser le maintien d’une croissance mondiale entre 3,2 et 3,4 %.
Alors quelles sont les ombres au tableau ?
Nous en observons deux. Les tensions géopolitiques au Moyen-Orient d’une part et l’instabilité que vont causer les élections américaines d’autre part. Sur ce second point, la nomination du candidat démocrate s’annonce houleuse et en fonction du profil du candidat vainqueur, l’orientation économique et politique des États-Unis aura un visage très différent, même s’il restera au vainqueur à battre Donald Trump toujours en tête dans les sondages. Durant cette période Donald Trump fera du Donald Trump et rien ne dit qu’il ne viendra pas à nouveau relancer le débat sur les accords commerciaux avec la Chine ou l’Europe.
Des perspectives plutôt positives à court terme mais avec une attente de forte volatilité à moyen terme qui nous imposera toujours plus de réactivité et janvier nous l’a déjà prouvé.
Nos convictions
Le maintien des politiques d’injection de liquidités des banques centrales, désormais rejointes par la Chine pour faire face au coronavirus, bénéficie aux actifs réels et aux entreprises très consommatrices de liquidités pour leur développement : luxe, technologie, immobilier coté, matières précieuses restent au cœur de la stratégie. Les secteurs des télécoms, des banques et de la consommation discrétionnaire reprennent également des couleurs en Europe.
Pour les stratégies obligataires, nous réduirions le portage des obligations d’états américaines (les taux ayant beaucoup baissé avec le risque d’épidémie en Chine). La dette émergente en revanche, suscite un gros attrait grâce à des rendements élevés et un dollar solide. Cela est d’autant plus vrai pour les pays (sous réserve d’éviter l’Amérique du Sud) que pour les entreprises. En revanche, nous réduisons au maximum toutes autres stratégies obligataires pour le moment.
Nous avons renforcé les stratégies actions et nous préconisons une exposition globale mais en privilégiant les secteurs suivants :
- Renforcement de l’exposition des actions qui bénéficient du développement de la consommation interne chinoise.
- Au sein des actions technologiques américaines, même si ces valeurs sont chères aujourd’hui, maintenir l’exposition en privilégiant les éditeurs de logiciels, fabricants de composants électroniques, et distributeurs de technologies.
- Pour les actions européennes, repositionner encore les secteurs de la banque, l’industrie et des télécoms et de la consommation pour profiter de leur faible valorisation.
- Globalement le maintien des taux bas et des bénéfices des entreprises plaide pour un maintien des positions actions. Les marchés devraient poursuivre leur ascension vers de nouveaux points plus haut mais les niveaux de certaines valeurs sont élevés et il faut rester attentif notamment sur le luxe même si la correction récente est une opportunité d’achat à très court terme.
Les positions sur l’or et les métaux précieux en général restent nécessaires dans un portefeuille, l’or ayant bien progressé depuis un an et devrait poursuivre en ce sens. Plus les états s’endettent, plus l’or devrait monter.
Focus 1
L’épargne ne rapporte plus. Pire, elle coute !
Les Français seraient-ils devenus fous ou ne savent-ils plus quoi faire de leur épargne, qui ne cesse de grossir ?
Les placements liquides et sécurisés tels que les comptes courants, les livrets, ou le fonds euros dépassent désormais les 3 300 milliards d’euros.
La progression de ces placements est de 29 % en 5 ans soit plus de 500 milliards.
Dans le détail, tous les placements sécurisés ont vu leur encours progresser. A commencer par l’argent liquide qui dort sous les matelas. En cinq ans, les Français ont ainsi mis de côté 152,5 milliards d’euros. Entre 2015 et 2019, les dépôts à vue et l’argent placé sur de simples comptes courants a progressé de plus de 34 % en France.
Un phénomène qui s’observe partout en Europe et illustre la fuite des épargnants vers la sécurité, quand bien même l’inflation leur fait perdre de l’argent. En effet, le rendement net du livret A est négatif : avec près de 1 % de perte par an. En comparaison, les placements dans les produits plus risqués ont beaucoup moins profité du mouvement : 240 milliards d’euros de progression en 5 ans.
Cette course à la sécurité s’explique d’autant plus mal que le contexte économique n’a eu de cesse de s’améliorer en Europe au cours des 5 dernières années.
Théoriquement, la hausse de l’épargne, qui reste très dynamique en France, est un bon indicateur économique : c’est le signe d’une augmentation du pouvoir d’achat, d’investissements et de dépenses futurs.
Mais comme je l’ai déjà souligné ici, les théories économiques volent en éclat les unes après les autres dans un contexte de taux négatifs.
Depuis 2016 déjà, la Banque Centrale Européenne (BCE) impose un taux négatif aux liquidités excédentaires des banques de la zone euro. Autrement dit : en trop grande quantité, le cash et les comptes à termes des clients coûtent chers aux banques. Alors que les épargnants se ruent sur l’épargne sécurisée, celle-ci est devenue un boulet insoutenable pour les banques et les assureurs. La BCE est consciente des effets de sa politique sur le secteur financier, mais estime que le jeu en vaut la chandelle. Son objectif : forcer les banques à prêter pour soutenir l’économie et l’investissement.
Pour soulager les banques, Bercy a baissé le rendement des livrets fixés à 0,5 %. Selon l’agence Fitch Ratings, cette baisse va engendrer 450 millions d’euros de bénéfice en plus pour les banques françaises, soit 1 % des profits avant impôts en 2018. « Un léger soulagement étant donné la pression sur les résultats dans le contexte de taux bas », a jugé l’agence de notation.
Le pire dans tout cela n’est pas la situation de baisse des profits des banques, mais toutes ces sommes qui ne servent pas à financer l’économie. Sous forme de prêt obligataire, d’augmentation de capital aux entreprises ou d’achats d’actions, nous conservons l’espoir qu’une partie de ces sommes viennent un jour s’investir dans l’économie réelle.
Chez Carat Capital, nous sommes heureux et fiers d’accompagner nos clients dans une bonne et saine gestion de leur patrimoine financier.
Focus 2
Investir sur le secteur de l’eau.
Urbanisation, croissance démographique et industrialisation pèsent sur les ressources naturelles en eau. Garantir l’accès à l’eau en quantité et en qualité est devenu un enjeu stratégique pour les pays. Ceux-ci s’appuient de plus en plus sur des entreprises privées pour gérer le cycle de l’eau.
L’eau est une ressource naturelle indispensable à l’Homme. Elle est renouvelable mais n’est pas infinie. L’eau douce ne représente que 3 % de l’eau de notre planète et une grande partie n’est pas directement utilisable : près de 69,5 % se trouve sous forme de glace et 30 % est située sous terre.
L’urbanisation, la croissance démographique et l’industrialisation sont trois phénomènes qui pèsent lourd sur la consommation et les ressources en eau. Selon le dernier rapport de l’ONU, la population mondiale s’élève actuellement à 7,6 milliards et devrait atteindre 9,8 milliards en 2050. L’urbanisation et l’amélioration du niveau de vie se traduiront par une plus grande consommation d’eau par habitant. Cette tendance est particulièrement marquée dans les pays émergents.
Par exemple, l’essor économique en Chine a provoqué un assèchement de ses nappes phréatiques et la pollution de ses cours d’eau. Les grandes villes sont parfois obligées d’acheminer de grandes quantités d’eau depuis d’autres régions de Chine, créant des difficultés d’approvisionnement pour l’ensemble du pays. Cela a poussé le gouvernement chinois à mettre en place un plan d’investissement massif dans les infrastructures du traitement de l’eau. Dans certaines régions des États-Unis, en Californie par exemple, l’accès à l’eau devient problématique. En Europe, les infrastructures sont vieillissantes et les normes de qualité de l’eau de plus en plus strictes.
Confrontés à des contraintes budgétaires et/ou des infrastructures vieillissantes, les gouvernements sont de moins en moins aptes à apporter les réponses à ces besoins et font de plus en plus appel à des entreprises privées pour gérer le cycle de l’eau. Celles-ci sont donc amenées à jouer un rôle de plus en plus important dans des domaines comme les infrastructures de distribution, le traitement des eaux usées, les équipements et la technologie (vannes, pompes, systèmes de traitement de l’eau, systèmes d’irrigation), la qualité et l’analyse (produits et services de contrôle et de test de la qualité de l’eau par exemple). Ces entreprises devraient à la fois profiter de la hausse des investissements et de l’augmentation de la part qui leur est accessible.
Le marché mondial de l’eau représente aujourd’hui environ 600 milliards de dollars et devrait atteindre 1 000 milliards de dollars d’ici à 2025. Par ailleurs, les actions du secteur de l’eau ont progressé de + 44 % sur les 5 dernières années.
Investir dans le secteur de l’eau, au-delà d’être un acte citoyen, est le moyen de contribuer à la rénovation de ce secteur tout en profitant de bons rendements, tant ce secteur est porteur. Les sociétés de gestion qui ont créé et gèrent des fonds d’investissement dédiés au secteur de l’eau sont nombreuses. De BNP Paribas à Pictet en passant par Amundi, tous les grands acteurs sont présents.
Comme pour tous secteurs d’investissement porteurs, il ne faut pas suivre la tendance et investir sans sélectionner, mais ne pas avoir une part de son portefeuille investie dans ce secteur serait aujourd’hui une erreur.