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Bulletin N°47 – Novembre-Décembre 2018

par Cedric Genet

Bulletin N°47 – Novembre-Décembre 2018

Brèves

La lourde baisse des marchés actions

Après le coup de semonce de février dernier, la chute des actions enregistrée au mois d’octobre semble un peu plus inquiétante. Peut-elle engager les marchés dans un mouvement de baisse prolongée ?

Cette baisse a surpris par sa rapidité et son ampleur, mais aussi et surtout par les raisons qui l’ont provoquée, car l’incohérence entre bonne santé économique mondiale et chute globale des marchés actions est rare.

Au-delà des sujets politiques développés ci- après, c’est surtout dans l’interprétation de certains facteurs techniques que l’on retrouve ce qui a provoqué la peur et la montée du stress, sans pour autant atteindre le stade de la panique.

Parmi ces facteurs, la hausse de taux directeurs réalisée par la Banque Centrale Américaine – la 8ème depuis 2015 – a eu pour effet de fortement faire remonter le taux d’emprunt d’Etat Américain à 10 ans, qui est venu dépasser le seuil de 3,2%, seuil qui a inquiété sur la capacité de l’économie Américaine à poursuivre sur le rythme actuel.
En effet, un taux trop haut aura pour effet de limiter l’accès au crédit et donc réduira la consommation et l’investissement, qui sont les moteurs de l’économie américaine.
Plus récemment, ce taux a baissé et l’inquiétude s’est inversée : des taux à 10 ans plus bas que des taux à 5 ans indiqueraient un risque de récession : où vont-ils se stabiliser ?

Nous sommes d’accord pour dire que la remontée des taux long terme serait négative pour l’économie Américaine, mais, compte tenu de la vigueur actuelle, ce taux est tout à fait justifié.

De plus, depuis, le gouverneur de la Banque Centrale Américaine a déclaré que les taux avaient pratiquement atteint le seuil de neutralité. En d’autres termes, la hausse des taux est pratiquement terminée aux Etats-Unis.
La Banque Centrale Américaine a parfaitement conscience qu’une hausse trop importante des taux long terme (notamment au-delà de 10 ans) aurait pour conséquence de déprécier la valeur des actifs immobiliers, obligataires ou actions, que les ménages Américains détiennent en masse.

En Europe, la crainte de voir la Banque Centrale stopper son plan de Quantitative Easing, et surtout de voir une hausse de taux à laquelle la faiblesse de l’économie Européenne ne pourrait pas résister, a généré un réel retour de stress, accentué par le risque de dérapage budgétaire de l’Italie (voir ci-après).

Toutefois, force est de constater que ces menaces, bien que réelles, sont loin de se réaliser, la Banque Centrale Européenne ne prévoyant pas de changement de politique avant septembre 2019 au mieux.

La politique reste au centre du jeu

Ce sont les vrais facteurs de baisse des marchés : pression sur le vote de l’accord ou non du Brexit, tension autour du budget et du poids de la dette Italienne, âpres négociations sur les barrières douanières entre les Etats-Unis et la Chine, risque de dégradation des politiques monétaires, pression sur le prix du baril de pétrole… Les tensions politiques ou géopolitiques sont nombreuses et génèrent beaucoup d’instabilité.
Nous ne pourrons pas toutes les développer ici, mais force est de constater qu’elles créent beaucoup de zones de turbulence qui perturbent la lecture économique mondiale.
En effet, malgré une bonne santé économique statistiquement visible, les inquiétudes montent, et surtout, les premiers effets se font sentir.

Si les changements de politiques monétaires ont été les premières modifications profondes et déstabilisantes, la fameuse « guerre commerciale » lancée par Donald Trump est sans aucun doute la plus singulière.
Singulière car elle inscrit un retour protectionniste dans une économie globalisée, qui ne saurait tenir debout si les leaders économiques décidaient de fermer leurs frontières.
Singulière car elle met en péril au sein même de son pays des pans entiers de l’économie qui importent de l’étranger pour les productions manufacturées à plus forte valeur ajoutée (Apple en serait le meilleur exemple).

Pour l’instant, la taxation de 10% mise en place a surtout fait souffrir les pays exportateurs tels que la Chine, mais aussi le Japon et l’Allemagne. La menace de Donald Trump de passer cette taxation à 25% au 1er janvier prochain a été repoussée à des discussions dans 3 mois, mais le mal est fait : l’inquiétude monte et la machine de l’économie mondiale commence à montrer des signes de ralentissement dans de nombreuses zones sous l’effet de ces barrières douanières.

L’autre grand sujet politique qui a animé ces derniers mois et qui animera, à n’en pas douter, 2019, c’est l’Italie.
Incapable de présenter un budget en cohérence avec sa propre constitution et ayant décidé de ne pas tenir compte des critères de déficit Européen, l’Italie s’est enfoncée dans une situation intenable.
Actuellement, le taux de financement de l’Italie est 5 fois plus élevé que celui de la France (proche de 3,3%) et va générer un coût de remboursement de dette qui va plonger le pays dans la récession.
C’est un danger réel pour le système bancaire Italien, et donc pour le système bancaire Européen.
Un danger aussi pour les épargnants Européens, particulièrement les Français, encore investis en masse sur le fonds en euros, dont les avoirs sont composés en partie par la dette de l’Etat Italien.

Pendant ce temps-là … le monde change

Les finances de Monaco sont au beau fixe. C’est le président du Conseil National qui le dit.

Monaco dispose d’un budget global d’environ 1,3 milliard d’euros, avec un excédent de quelques 10 025 400 euros. Les dépenses de la principauté ont beau augmenter (+5,2%), la hausse des recettes s’avère encore plus forte (+5,9%).

Depuis 3 ans, le populisme monte sans discontinuer dans les urnes. Brexit, Italie, Brésil et autres poussées populistes dans de nombreux scrutins en Europe et dans le reste du monde. Les pays dont les gouvernements restent dirigés par des partis
« républicains » sont confrontés à de nombreuses contestations dans les rues. Les gilets jaunes Français font des émules en Belgique, Allemagne, Pays-Bas, Bulgarie et même au Burkina Faso…

Perspectives économiques et financières

La croissance mondiale pour 2019 a été revue à la baisse, s’établissant tout de même à 3,7%. Ces prévisions reflètent le ralentissement déjà observé, notamment en Europe et en Chine, mais la croissance reste solide. Le danger serait une nouvelle révision à la baisse.

Aux Etats-Unis, la vigueur reste de mise et tous les indicateurs sont au vert.
Toujours pas de reprise du chômage, toujours pas de poussée de l’inflation, la consommation est toujours en croissance, les bénéfices des entreprises battent record sur record, et les prévisions données par les entreprises sont bonnes : la croissance des bénéfices attendue pour 2019 étant de près de 10%.

Toutefois, en regardant dans le détail, certains secteurs commencent à donner quelques signes de faiblesse. L’immobilier par exemple. Les mises en chantiers, bien que toujours en croissance, ont légèrement ralenti sur le dernier semestre. Les entreprises de construction ont vu leurs marges baisser du fait de la hausse des matières premières qu’elles ne parviennent pas totalement à répercuter sur leurs tarifs.
Il va donc falloir surveiller l’impact éventuel de ces faiblesses dans les secteurs manufacturés.

En Europe, la situation est toujours plutôt bonne, mais l’Allemagne inquiète, et lorsque L’Allemagne tousse, l’Europe est fragile.
La première puissance Européenne a annoncé une croissance négative de 0,9% au 3ème trimestre 2018, sous l’effet d’une forte baisse de ses exportations, notamment de véhicules. C’est la plus forte contraction de l’économie Allemande depuis 2012.
Pour ses voisins Européens, la situation est contrastée mais on observe presque partout un lent ralentissement de la croissance.

En Chine aussi, l’activité manufacturière a enregistré un nouveau recul de 0,2 point en novembre, au plus bas depuis juillet 2016.
Considéré comme un indicateur avancé de la conjoncture, l’indice PMI a baissé à 50, contre 50,2 le mois précédent, ce qui est plus qu’attendu par les économistes, et l’amène à un « seuil critique ». Il laisse augurer d’un nouveau ralentissement de la croissance du PIB Chinois au quatrième trimestre, après une croissance de 6,5% au troisième trimestre, déjà inférieure à celle du trimestre précédent (6,7%).

En revanche, dans le reste des pays émergents, la croissance reste solide, bien que les fortes chutes du pétrole (-22% en octobre) mettent tous les pays producteurs en difficulté. L’Amérique du Sud reste de surcroit sous la pression d’une inflation qui semble impossible à contrôler.

Comme nous avons déjà eu l’occasion de l’exprimer, cette année, nos convictions sont fortement mises à mal, tant les sujets politiques sont nombreux et obscurcissent une économie qui a bien, voire très bien fonctionné au cours de l’année. Les inquiétudes ne vont pas se dissiper en un clin d’œil, et compte tenu du fait que l’économie commence doucement à ralentir, nous nous montrons plus prudents, sans pour autant considérer qu’il est l’heure de s’écarter complétement des marchés financiers.

Pour les stratégies obligataires :

  • Nous envisageons de prendre des positions sur les obligations d’Etat Américain et les grandes et solides entreprises Américaines.
  • Nous poursuivons l’investissement sur des stratégies d’obligations convertibles Européennes mais évitons toujours les obligations indexées sur l’inflation, celle- ci ne se matérialisant pas.
  • Nous supprimons définitivement les obligations dites High-Yield, c’est-à-dire les obligations des entreprises moins bien notées et présentant un risque de crédit plus important.
  • Compte tenu de la stabilité du dollar, voire de sa capacité à se déprécier, nous pensons qu’il est intéressant de revenir sur les obligations émergentes dont le taux de rendement est intéressant.

Pour les stratégies actions, nous préconisons de réduire l’exposition globale aux risques actions comme suit :

  • Maintien de l’exposition aux petites sociétés émergentes en privilégiant l’Asie du Sud-Est : source de croissance.
  • Réduction des actions Européennes qui pourraient souffrir de la mise en place de toutes les barrières douanières : automobile, mécanique, industries exportatrices. Nous pensons toujours intéressant de maintenir les secteurs de la banque et de l’assurance. Nous restons pour le moment à l’écart de l’immobilier coté.
  • Les actions émergentes de Chine, et généralement d’Asie du Sud-Est, notamment le secteur de la consommation interne, et tout particulièrement de la technologie, restent des zones prioritaires, ce d’autant plus qu’elles ont beaucoup souffert cet été.
  • Notre choix de renforcer les actions aux Etats-Unis, et tout particulièrement sur le secteur technologique, a été dur à porter, mais nous maintenons cette très forte conviction.
  • Nous pensons que le contexte justifie un renforcement des positions sur l’or.
  • La parité de change euro-dollar évolue doucement vers un renforcement de l’euro, plus exactement c’est le dollar qui se déprécie. Le seuil d’une parité de 1,20 serait une mauvaise nouvelle pour la zone euro et doit être surveillé.

Focus

De la bulle internet à la bulle technologique

Les géants de la Silicon Valley ont clairement pris l’ascendant à la Bourse Américaine, comme l’a illustré l’envolée d’Apple et d’Amazon au-delà des 1 000 milliards de dollars en Bourse début septembre.
Si Apple a été la première entreprise à avoir franchi le cap des 1 000 milliards de dollars, Amazon l’a suivie de près, et d’autres stars de la tech sont prêtes à leur emboîter le pas : Alphabet (la maison mère de Google), Microsoft et Facebook. À elles cinq, ces entreprises représentent environ 20% du PIB Américain, et plus que le PIB de l’Allemagne. L’ensemble des valeurs techs concentrent quant à elles plus de 25% de la valeur du S&P 500, l’indice qui regroupe les 500 plus grosses entreprises cotées aux États-Unis.

Fin 1999, quelques mois avant l’éclatement de la bulle Internet, les cinq plus grandes entreprises en Bourse (Microsoft, General Electric, Cisco, Walmart et Intel) représentaient 15,5% du PIB Américain. Lors de l’éclatement de la bulle Internet, ces titres ont perdu de leur valeur pendant les 10 années qui ont suivi, et aujourd’hui, seul Microsoft a réussi à se relever.

L’ascension des stars actuelles du marché a déjà fortement été revue à la baisse ces deux derniers mois, avec des corrections proches de 30% pour Apple.

Pour autant, le secteur de la tech est attractif pour de bonnes raisons : les bénéfices y sont élevés et réguliers, les comptes sont équilibrés, et les actionnaires régulièrement récompensés par des dividendes importants

En 2000, nombre de jeunes sociétés avaient à l’époque levé beaucoup d’argent en Bourse, alors même que leur stratégie était à peine arrêtée, qu’elles ne dégageaient pas de profits, et parfois même ne vendaient rien du tout.
A l’époque, les investisseurs faisaient un pari sur le développement de l’Internet.

Ce qui n’a pas fonctionné à l’époque s’est désormais transformé en bénéfices sonnants et trébuchants.

Certaines des entreprises, comme Google, sont devenues tellement prédominantes sur le marché qu’elles s’approchent d’une situation de monopole et suscitent une surveillance accrue de la part des régulateurs, ce qui finira par ralentir leur croissance.

Enfin, toute entreprise technologique peut à tout moment être dépassée par une version un peu meilleure du produit qu’elle propose.

En 2000, Nokia représentait 45% sur le marché des smartphones, l’iPhone avait moins d’un an et Facebook venait à peine d’être inventé dans un dortoir.

L’innovation reste imprévisible, et si le risque d’éclatement de bulle est faible, la tech ne doit pas représenter une part inconsidérée des portefeuilles actuels.

L’Inde, la 6ème puissance économique mondiale ?

 

On n’en parle presque jamais et pourtant, en 2017, le PIB de l’Inde a atteint 2 597 milliards de dollars, contre 2 582 milliards pour la France, ce qui fait de l’Inde la 6ème puissance économique Mondiale devant la France et derrière le Royaume-Uni (que l‘Inde devrait dépasser dès cette année), le Japon, la Chine et les Etats-Unis.

Ce chiffre confirme le rebond de l’économie Indienne entamé à partir de juillet 2017, après plusieurs trimestres de ralentissement imputé à des mesures choc du gouvernement Modi. Elu en 2014, le nouvel homme fort de l’Inde a d’abord déployé d’importantes réformes structurelles qui ont handicapé le déploiement de la croissance Indienne.

Parmi ces grandes réformes, beaucoup arrivent désormais à leur terme et portent clairement leurs fruits. Le plan d’infrastructure d’une part, pour permettre la réindustrialisation du pays et promouvoir le « Made In India », le plan de construction de logements d’autre part, pour donner un toit à tous, et enfin le grand plan de digitalisation du pays et de l’Etat, portent leur fruit. Fluidification des échanges, simplification des déplacements et de la logistique… Le tout dans un climat de forte popularité du Premier Ministre.

Il est vrai qu’avec 1,34 milliard de consommateurs, une réforme de l’industrialisation favorisant la consommation de produits manufacturés en Inde avait de quoi porter des résultats.

La croissance du PIB pour 2018 est attendue à hauteur de 7,4% (7,8% en 2019 selon le FMI), et même si le PIB par habitant est encore très loin du nôtre (20 fois inférieur) en l’espace de dix ans, l’Inde a doublé son PIB. À l’inverse d’une Chine dont le rythme de croissance ralentit, l’Inde devrait faire figure de nouveau moteur de la région.

Pays le plus dynamique du G20, la croissance Indienne devrait donc s’accélérer, pour en faire, dans quelques années, la troisième puissance économique, derrière la Chine et les Etats-Unis.

L’ensemble des réformes n’a pas fait que dynamiser l’économie, elle a aussi assaini la situation financière du pays. Au même titre que les autres pays émergents, l’inflation était encore élevée il y a peu : plus de 12% fin 2013, pour parvenir à 5% en 2017.

Le déficit de la balance courante se situe à un peu plus de 1% du PIB, contre 5% en 2013. Le déficit public s’est réduit, de même que la dette privée externe. La notation souveraine de l’Inde a été rehaussée par les agences de notation.

Le gouvernement Indien est parvenu à créer un environnement plus favorable aux investissements étrangers, qui progressent et dont le rythme ne devrait pas ralentir…

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