Brèves
L’inflation… évidemment
En ce début d’année 2018, il semble que le scénario que nous avions envisagé dans ce même bulletin en décembre se réalise. L’inflation se propage et se confirme aux Etats-Unis et crée l’effet attendu, tant sur les taux que sur les actions.
Le retour de l’inflation est une conséquence économique logique du plein emploi américain. Avec un taux de chômage proche de 4% et un niveau d’employabilité au plus haut depuis 2007, les ressources pour attirer de nouveaux employés dans cette activité en croissance, sont souvent limitées à la proposition de hausses de salaires. Cela entraîne automatiquement de l’inflation par ailleurs alimentée par le renchérissement des matières premières.
Le chiffre de 2,9% d’inflation pour le seul mois de janvier a fait bondir le taux américain à 10 ans (qui s’approche désormais des 3%) et a fait lourdement chuter les indices actions de plus de 10% en une semaine.
La question est de savoir si les Etats-Unis peuvent poursuivre avec ce niveau d’inflation. En fait si ce niveau se confirme, soit la banque centrale sera contrainte de monter fortement les taux pour éviter que l’inflation ne s’emballe, soit la croissance ralentira, contrainte par une baisse de la consommation liée à la hausse des prix. En résumé, ce niveau d’inflation ne peut que provoquer un ralentissement aux Etats-Unis et quand les Etats-Unis ralentissent… le reste du monde suit.
Mais l’inflation ne suffirait pas à inquiéter le monde entier si les politiques monétaires menées ces dernières années avaient été « normales ». Depuis deux ans la banque centrale américaine a fortement réduit sa politique monétaire d’injection de liquidités et a commencé à augmenter ses taux directeurs. Cela avait été jusqu’ici compensé par l’effort des banques centrales européenne et japonaise qui ont lourdement accru le niveau de liquidités disponibles sur les marchés financiers en général.
Ces politiques touchent à leur fin, la banque centrale d’Angleterre ayant déjà annoncé qu’elle augmenterait ses taux plus vite que prévus, et la réduction de liquidités dans le monde s’enclenchera au cours de cette année 2018. Conjugué à une inflation importante et un risque de ralentissement de la croissance, tout cela peut laisser craindre un risque de dépréciation de tous les actifs qui ont largement profité de ces masses de liquidités au cours des dernières années.
L’inflation… pas forcément
Si, à court terme, sur un plan conjoncturel, l’inflation redevient un sujet d’inquiétude réelle aux Etats-Unis et plus généralement pour la croissance mondiale, une vision long terme nous permet de voir que structurellement, tout indique que nous nous sommes installés dans un monde à faible inflation, voire à haut risque déflationniste, dans les pays développés surtout.
D’abord le vieillissement de la population est un frein aux pressions inflationnistes. Toutes les études montrent que la consommation des individus est à son apogée à l’âge de 50 à 60 ans puis décroit progressivement. A compter de cet âge, les besoins essentiels sont couverts, le recours au crédit se réduit voir disparait et surtout l’épargne gonfle de manière importante face à la crainte de manquer vu l’allongement de l’espérance de vie et le cout important de la fin de vie dont les populations sont de plus en plus conscientes.
Or les pays développés sont des pays dont la population vieillit et va continuer à vieillir tant le renouvellement des générations n’est pas assuré, que ce soit au Japon, en Allemagne, en Italie… et tout juste en France.
La surproduction structurelle est un autre facteur déflationniste. Le combat pour produire moins cher et la concurrence internationale qu’imposent les règles du commerce mondial, pressent significativement sur les coûts de production et donc les masses salariales des pays développés stagnent.
Cette pression est d’autant plus forte en Zone Euro, imposée par la monnaie unique : impossible de dévaluer sa monnaie pour retrouver un élan de compétitivité. La parité de l’euro, dite d’équilibre, vis-à-vis du dollar, serait à un juste niveau pour le Portugal s’il cotait 0,91 dollar, 1,18 pour la France ou encore 1,31 pour l’Allemagne. Or, sur les dix dernières années l’euro s’est échangé autour de 1,30 dollar en moyenne. Autant dire qu’il faut compenser la perte de compétitivité-prix liée au change par une baisse des couts de production, en mettant toujours plus la pression sur les tarifs des fournisseurs et en comprimant les salaires.
L’orthodoxie budgétaire réclamée par les niveaux de dettes colossaux de ces mêmes pays n’arrange rien.
En résumé, à long terme, les facteurs structurels sont déflationnistes et non inflationnistes et les investisseurs de long terme que nous sommes ne doivent pas oublier que si la conjoncture est parfois inflationniste cela ne pourra pas durer.
Pendant ce temps-là… le monde change
Carat Capital a créé et lancé son premier fonds dédié exclusivement à sa clientèle. Iken, est un fonds commun de placement de profil équilibré pouvant investir à travers le monde et sur toutes les classes d’actifs. La société de gestion Sanso IS a été sélectionnée au terme d’un appel d’offre pour gérer ce fonds, Carat Capital en étant le conseiller exclusif. Iken prend place progressivement au sein des portefeuilles de nos clients.
L’investissement socialement responsable (ISR) accélère encore sa croissance en 2017. Près de 400 milliards d’actifs sont désormais gérés selon les critères d’environnement, sociaux et de gouvernance qui définissent l’ISR. Un essor de plus de 20% par an qui contraint la plupart des gérants à intégrer ces critères dans leur sélection.
Perspectives économiques et financières
L’euphorie dont nous parlions en fin d’année dernière s’est poursuivie en ce début d’année pour s’arrêter nette avec une lourde chute des marchés financiers début février. Pourtant, et c’est tout le paradoxe actuel, les indicateurs économiques restent positivement orientés partout sur la planète.
En Zone euro, les indicateurs de confiance sont au plus haut depuis plus de 15 ans, le chômage poursuit son recul et les niveaux de croissance ont à nouveau été révisés à la hausse, le chiffre de 4% ayant été évoqué pour l’Allemagne.
Aux Etats-Unis, l’accord budgétaire qui met fin au shutdown prévoit près de 3 300 milliards d’augmentation de dépenses fédérales, pour parvenir à un déficit de 3.8% du PIB en 2018 et 5.4% en 2019, soit les plus grands déficits exprimés en % du PIB jamais atteints en période de paix et en l’absence de récession. Il ne fait aucun doute que cette stimulation budgétaire va générer une révision à la hausse des prévisions de croissance pour 2018 autour de 2,6% alors que qu’elle était estimée à 2,2%. L’indice du climat des affaires de février est contrasté mais marque toujours une légère hausse.
Dans le monde émergent, la remontée des taux américains a pu inquiéter mais les niveaux de croissance et de confiance restent très élevés et compense largement les inquiétudes.
Le Brésil, La Russie sont à nouveau en forte croissance et la Chine continue d’être la locomotive d’une Asie du Sud-Est très dynamique. En effet les anciens petits dragons de l’économie asiatique affichent de solides taux de croissance : 3% pour la Corée, 8% pour Taiwan en passant par 5,5% pour l’Indonésie.
Sur le marché des changes, la parité entre euro et dollar, malgré une poussée au-delà de 1,25 s’est finalement stabilisé autour de 1,23 ce qui reste une parité satisfaisante pour la plupart des acteurs économiques. Mêmes les entreprises exportatrices européennes ne sont pas pénalisées par ces niveaux. C’est entre 1,25 et 1,30 que cela poserait quelques difficultés.
L’environnement est donc globalement favorable et la croissance solidement installée partout dans le monde. Seul une hausse trop rapide des taux poussée par une inflation puissante ou un dérapage d’une banque centrale pourrait modifier les choses.
Nos convictions
L’amélioration des perspectives économiques mondiales se poursuit mais pour la première fois depuis 7 ans, bien que toujours bas, les taux ont commencé à monter doucement.
Sachant nous jugeons depuis la fin d’année dernière que le niveau du prix des actifs financiers dans leur ensemble est assez élevé, nous restons méfiants à l’égard d’un certain nombre de situations et de secteurs que nous préférons exclure.
Nos stratégies principales :
Nous avions recommandé en décembre de stopper toutes les lignes obligataires sensibles à une éventuelle remontée de taux : obligation d’état, obligations de grandes entreprises. C’est plus que jamais d’actualité.
Nous recommandons d’investir sur des stratégies obligataires qui sont en capacité de prendre des positions dites de sensibilité négative, c’est-à-dire des solutions qui profiteraient de la hausse des taux.
- Nous commençons à investir sur des stratégies d’obligations convertibles européennes ou obligations indexées sur l’inflation.
- Nous maintenons les stratégies obligataires sur les entreprises européennes dites (High-Yield) c’est-à- dire de moyennes à petites tailles avec des maturités à 3 à 4 ans (durée de l’obligation) car ces maturités courtes sont moins sensibles à une hausse des taux.
- Les stratégies obligataires dans les pays émergents, à risque élevé, libellés en dollar, restent une conviction forte pour dynamiser quelque peu ce compartiment obligataire.
Pour les stratégies actions, nous continuons de faire évoluer les portefeuilles selon les choix que nous avons initiés en décembre :
- Les actions de petites et moyennes entreprises en Europe nous semblent désormais avoir fait la quasi- totalité du chemin. Il convient de devenir plus sélectif et plus prudent.
- Les actions européennes en général restent à privilégier. La possible remontée des taux laisse penser que les banques ont leur place dans un portefeuille mais attention au risque politique qui peut les mettre à mal. Nous pensons qu’il faut réduire les investissements en immobilier non coté après les belles performances des dernières années.
- Les actions émergentes de Chine, et généralement d’Asie du Sud-Est, notamment les secteurs de la consommation interne et de la technologique sont à privilégier. La Russie reste à renforcer. Pour le Brésil, c’est toujours délicat et nous préférons rester à l’écart malgré le rebond de la croissance.
Nous pensons qu’il faut réduire le niveau d’exposition aux marchés américains à part les valeurs de l’économie digitale qui semblent ne pouvoir que progresser.
Les matières premières ont poursuivi leur rebond et contribuent à générer une part de l’inflation actuellement observée. Nous déconseillons d’investir sur les matières premières pour l’instant. En revanche, nous réfléchissons à prendre position sur les matières précieuses et l’or en particulier même s’il est encore un peu tôt.
Sur les marchés des changes, l’euro est reparti légèrement à la baisse face à un dollar plus vigoureux. La zone actuelle semble stabilisée. Nous ne prenons aucun pari sur l’évolution de cette parité.
Focus
Fiscalité : l’année blanche grâce au CIMR
Le Crédit d’Impôt Modernisation du Recouvrement (CIMR) a été mis en place par la loi de finances pour 2017 : à l’époque, l’année 2017 était censée être une « année blanche », anticipant la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu de 2018.
Finalement, ce mécanisme a été décalé et « l’année blanche » est finalement l’année 2018, et le prélèvement à la source sera effectif en 2019.
Afin de ne pas avoir à payer deux impôts sur le revenu en 2019 – un sur les revenus perçus en 2018, et l’autre prélevé à la source sur les revenus 2019 – un crédit d’impôt exceptionnel a été créé, le CIMR, qui a pour effet de supprimer l’impôt dû sur les revenus qui ne devraient donc pas être taxés.
Cependant, anticipant certains comportements considérés comme néfastes, la loi a prévu de n’appliquer ce crédit que sur les revenus considérés comme « non exceptionnels ».
Les notions de « revenus exceptionnels » et de « revenus non exceptionnels » ont donc été mises en place, afin de déterminer la quote-part du revenu qui pourra bénéficier du crédit d’impôt exceptionnel. Par exemple, les salaires sont des revenus non exceptionnels (dans la limite de la rémunération la plus hautes des 3 dernières années), mais une prime discrétionnaire perçue sans rapport avec l’activité et la performance sera considérée comme un revenu exceptionnel.
Afin de déterminer le montant de crédit, il s’agira de calculer l’impôt sur le revenu comme les années précédentes. Le montant d’impôt ainsi déterminé sera proratisé afin de ne tenir compte que des revenus non exceptionnels. Ainsi si les revenus ne sont composés que de revenus non exceptionnels, le CIMR sera égal à l’intégralité de l’impôt qui aurait dû être payé si la réforme n’avait pas eu lieu, et aucun impôt ne sera donc dû sur les revenus de 2018. Autre hypothèse, si les revenus sont composés pour moitié de revenus exceptionnels, alors le CIMR ne sera égal qu’à la moitié de l’impôt sur le revenu qui aurait normalement dû être réglé : l’autre moitié sera donc à régulariser durant l’année 2019.
Enfin, les revenus exclus du prélèvement à la source, tels que les plus-values (immobilières et mobilières), les dividendes et les intérêts par exemple, ne seront pas à prendre en compte dans la détermination du CIMR.
Entre flat tax et prélèvement à la source, l’année 2018 est source de complexité. Nous sommes à votre disposition.
Faut-il alimenter son PERP en 2018 ?
Attention, mal de tête garanti. L’année blanche a fait se poser la question à de nombreux épargnants : pourquoi alimenter un produit d’épargne pour réduire mon impôt en 2018 alors que les revenus de 2018 ne seront pas fiscalisés
Pour tenter d’éviter la baisse des versements en 2018 le gouvernement a mis en place un dispositif apparemment simple : en cas de baisse de ses cotisations en 2018 (par rapport à 2017 et 2019), l’épargnant ne pourra pas déduire fiscalement l’intégralité de son versement de 2019. La déduction autorisée au titre des revenus de 2019 ne sera égale qu’à la moyenne des cotisations de 2018 et 2019.
L’objectif est d’obliger le contribuable à verser la même somme en 2018 et en 2019 qu’en 2017, en sachant que le versement de 2018 n’apportera pas de réduction d’impôt mais en le forçant à préparer sa déduction fiscale de 2019.
Ce dispositif ne change donc pas fondamentalement les choses pour l’épargnant qui a plutôt intérêt à ne verser ni en 2018, ni en 2019 et à regrouper trois années de cotisation en 2020.
En revanche, les sommes versées en 2018 sur un PERP restent totalement déductibles des revenus exceptionnels (prime discrétionnaire, fortes hausses de revenus, dividendes, plus-values…) dans la limite du plafond habituel. Aussi, un contribuable qui aurait des revenus exceptionnels non soumis au prélèvement à la source en 2018 va avoir tout intérêt à verser en 2018. Chaque cas est donc à étudier avec précision et notamment, pour ceux qui le peuvent la répartition entre rémunération et dividendes. Nous reviendrons vers nos clients sur ces sujets.
En conclusion, bâti pour éviter une chute des cotisations d’épargne retraite en 2018, ce dispositif n’apporte pas vraiment de solution. Du seul point de vue fiscal, maintenir ses versements ne sera pas plus avantageux que de les décaler à 2019. Dans les deux cas, une partie des cotisations ne sera pas déductible. En revanche, un épargnant ayant la possibilité d’attendre 2020 pour verser en une seule fois trois ans de cotisations bénéficiera d’une déduction à 100% (s’il ne dépasse pas les plafonds).