Brèves
L’Italie aussi va voter
Prochain grand vote de l’année 2016 : le référendum italien sur l’évolution de la constitution est programmé pour le 4 décembre. Après le référendum britannique et les élections américaines qui se sont soldés par deux résultats inattendus, que penser de ce nouveau scrutin, quels sont ses enjeux au niveau Italien mais surtout Européen ?
Ce referendum devait permettre aux italiens de se positionner pour ou contre la réforme de la constitution, afin de donner plus de moyens au président du conseil (ce qui réglerait un véritable problème constitutionnel qui date de 1948). Mais depuis quelques semaines, cette question semble s’être cristallisée sur la personne de Matteo Renzi : pour ou contre « Renzi » ? et par voie d’extension pour ou contre le « dictat de Bruxelles » ? Ce dernier est en effet de plus en plus souvent présenté comme étant à la botte de Bruxelles. Bien que fausse, cette affirmation semble retourner progressivement l’opinion publique et la probabilité que le contre l’emporte devient de plus en plus élevée.
Car le sentiment eurosceptique en Italie n’est pas nouveau. Il s’est progressivement installé au cours des 20 dernières années au travers de nombreux épisodes. Cela a été le cas avec les critiques du parlement européen à l’encontre de Silvio Berlusconi lorsque celui- ci a été élu. Cela a été perçu par les italiens comme une ingérence malveillante. C’est le cas également lorsqu’à l’inverse, Matteo Renzi est adoubé, alors que pour le moment ses grandes réformes ont plus soulagé les volontés de Bruxelles que profité aux italiens.
La victoire du contre maintiendrait l’Italie dans le système politique actuel, et ce ne serait pas si grave. En revanche, la personnification actuelle du scrutin, en cas de défaite, plongerait Matteo Renzi dans une situation intenable à long terme. Avec des partis populistes en tête dans les sondages, et sur le terreau d’un Brexit encore frais, les Italiens pourraient, en cas de nouvelles élections, voter pour ces partis eurosceptiques qui pourraient alors demander la sortie de la zone Euro. Ce scénario serait catastrophique, et nous replongerait immédiatement dans le scénario de 2011 et le risque de remise en cause de l’Euro. La prudence va donc rester de mise en cette fin d’année.
Déglobalisation
Brexit, élection de Donald Trump, refus de signer les traités de commerce internationaux par les européens… cette liste non exhaustive et qui s’enrichira probablement, révèle deux tendances importantes :
- Un ras le bol généralisé des électeurs vis à vis du monde politique et le refus de poursuivre avec une classe politique usée.
- La volonté de l’isolement, de l’enfermement et du protectionnisme : une forme de refus de la
Nous ne commenterons ici que ce second point, ce bulletin n’ayant aucun objet politique mais bien le souhait de vous apporter notre vision économique et financière. Depuis plusieurs années nous avons vu progressivement s’installer dans les analyses économiques le concept de déglobalisation. Ce phénomène est probable et annoncé par un certain nombre de signes. Les élections américaines ont été une grande surprise pour le monde économique car les Etats-Unis viennent de vivre 8 années de croissance, des hausses de salaires et une amélioration générale des pouvoirs d’achat. Mais le désintérêt de l’extérieur et la volonté de recentrer les richesses sur le peuple américain l’a emporté, au détriment de la volonté de la croissance. Ces observations nous les constatons également depuis quelques années sur les indicateurs économiques : depuis deux ans, les exportations en pourcentage du PIB mondiales diminuent. En d’autres termes chaque région du monde consomme moins mais de plus en plus du Made In « chez nous ».
Mais la mondialisation est en marche et les deux concepts vont se percuter de plein fouet. Par exemple, en cette fin d’année 2016, la mondialisation franchit un nouveau pas puisque la Chine va voir sa monnaie entrer dans le panier des monnaies référentes au niveau mondial et va devenir membre à part entière de l’OMC et va donc pouvoir vendre l’intégralité de ces produits au reste du monde.
De son coté, Donald Trump va poser la première pierre de la déglobalisation.
L’avènement d’un nouvel ordre économique et financier s’opère très lentement mais rarement dans la sérénité, tant la remise en cause des consensus de marché est de nature à surprendre.
Pendant ce temps là… le monde change
La communauté internationale s’alarme peu de la situation du Burundi. Ce petit pays du centre de l’Afrique est plongé dans le chaos : son économie est à genoux, son pouvoir jugé illégal est dépassé. Pour tenter de légitimer son pouvoir le président désigne les minorités Tustis comme responsable du chaos : les prémices d’un génocide bien pire que celui qu’a pu connaître le Rwanda sont à craindre.
Le protectionnisme se retrouve partout : la petite Wallonie à elle seule a tout fait pour bloquer l’accord d’échange entre la grande Europe et le Canada. On pourrait croire que cela est lié à l’incapacité de l’Europe de parler d’une seule voie, ce qui est vrai, mais c’est surtout révélateur des tensions anti- mondialisation qui gagnent les dirigeants des pays développés.
Perspectives économiques et financières
L’incertitude qui règne désormais sur la politique que va mener la plus grande puissance mondiale, trouble encore un peu plus un paysage déjà difficile à cerner. Nous savons que l’administration Trump va mener une politique de réduction d’impôt, d’endettement massif, d’investissement dans les infrastructures et l’industrie pétrolière. Nous savons également que les liens commerciaux avec des partenaires comme la Chine ou le Mexique seront mis à rude épreuve par des attaques en règle sur un plan économique mais aussi probablement diplomatique. Nous n’avons en revanche aucune visibilité sur l’ampleur réelle des différents dispositifs et il est très difficile de cerner les nouveaux rapports de force géopolitiques qui vont émerger. Toutefois certaines grandes lignes se dégagent. Aux Etats-Unis, ces politiques dites expansionnistes doivent apporter, au moins à court terme, un regain de croissance dans les secteurs concernées. Mais les pressions inflationnistes vont être fortes dans les prochains mois (lire focus ci-après) et pourraient casser la dynamique déjà fragile d’autres secteurs. Nous pensons que cette politique ne sera profitable qu’à court terme et aura des effets inverses d’ici 12 à 18 mois.
Les projets protectionnistes de Trump sont négatifs pour l’Europe globalement exportatrice et surtout pour des pays comme l’Allemagne. Au sens de l’économie Interne, l’Europe, bien que réduisant progressivement son chômage et maintenant sa croissance, ne parvient pas à générer de croissance forte, et est bien trop concentrée sur ses négociations avec le UK et les échéances politiques en Italie et bientôt en France. En revanche, alors qu’aux Etats-Unis les bénéfices des entreprises continuent de baisser, ceux des entreprises européennes continuent de croitre. Si seulement nous avions un peu de stabilité politique cela pourrait donner enfin envie aux investisseurs de venir de notre côté de l’atlantique, d’autant que l’Euro peu cher est une aubaine pour eux. La plus grande incertitude vient de l’impact de la guerre des changes. En effet, Trump a déclaré qu’il ferait la guerre aux autres monnaies, considérant le dollar trop cher. Depuis son élection, le dollar n’a fait que s’enchérir à nouveau et cela a pour conséquence immédiate de mettre la Chine sous pression. En effet depuis aout 2015, la Chine est en difficulté face à la cherté du dollar car cela lui fait perdre de la compétitivité. Elle compense donc cela par de forts programmes d’investissement, financés par la dette, pour maintenir artificiellement sa croissance. Si celle-ci a été maintenue à 6,5%, c’est au prix d’un endettement qui est passé de 150 à 250% de son PIB. Cette situation a atteint sa limite et nous craignons une dévaluation chinoise qui serait très douloureuse pour les marchés actions. Il nous faut donc surveiller trois indicateurs : la croissance chinoise, la variation du dollar et du Yuan et les sorties de capitaux étrangers du territoire chinois. Les autres pays émergents d’Asie du Sud-est ne pourront profiter de cette situation car une dévaluation du Yuan mettrait une forte pression sur leurs propres monnaies, donc leur taux et donc leur capacité à rembourser leurs dettes.
Nos convictions
Dans le précédent Bulletin, nous insistions sur la nécessité de rester exposés aux actifs financiers qui pourraient profiter des victoires de Clinton et Renzi. Si la première partie est jouée, l’autre semble mal orientée, aussi nous pensons qu’il convient d’éviter les actifs risqués pour les prochains mois, au risque d’avoir le sentiment de ne pas gagner pendant quelques mois. La prudence nous parait de mise. our autant, rester prudent ne veut pas dire investir sur des supports monétaires (qui perdent de l’argent) ni totalement sur les fond euros qui restent un vrai danger en matière de liquidité. Nous pensons donc que les supports à privilégier sont :
- Les stratégies alternatives, les stratégies d’arbitrage et de primes de risques dont le but est de gagner entre 2 et 4% par an, ce qui est très satisfaisant en situation d’attente
- Les stratégies obligataires à très courtes maturités, afin d’éviter de trop fortes remontées de taux, notamment dans les entreprises européennes et émergentes.
- Les stratégies obligataires opportunistes investissant sur les variations de valeurs de taux en fonction des durées d’emprunts
- Les actions de petites et moyennes entreprises aux Etats-Unis et en Europe,
- Les actions de grandes entreprises dans les secteurs de la construction de l’industrie en générale, les actions des banques et de la santé aux Etats-Unis
- Les actions des sociétés d’immobiliers cotées : la récente hausse des taux a en effet offert de bons points d’entrée sur ce marché.
- Les investissements sous forme de prêt dans les sociétés non cotées
- L’or, que n’avions pas recommandé depuis 2008 et que nous pensons remettre dans nos portefeuilles en cette fin d’année.
A l’inverse nous préférons éviter les secteurs de la consommation, du luxe, du tourisme mais aussi les actions des pays émergents dans leur ensemble.
Enfin, sur les marchés des changes, compte tenu de la volonté américaine de faire baisser le dollar et les possibles réductions d’exportations européennes il est tout à fait probable qu’au cours de 2017 l’évolution de la parité euro/dollar s’inverse, aussi nous limiterons les investissements en dollar ou en monnaie émergentes.
Focus
Retour de l’inflation ?
Après près de deux ans de luttes acharnées contre un risque de déflation, voilà que les analystes économiques annoncent que les banques centrales s’apprêtent à devoir lutter contre un retour de l’inflation. Il est probable que ces commentaires soient quelques peu hâtifs mais il est vrai que nous ne devrions plus entendre parler de déflation avant longtemps à part peut-être au Japon.
Les raisons principales de ce changement de vision tiennent à la communication de la nouvelle administration s’installant aux Etats-Unis, mais aussi à celle de la communauté européenne. Cette dernière ayant invité l’ensemble des pays à réduire drastiquement leur dette depuis 2011 (ce qu’aucun d’entre eux n’a fait à part l’Allemagne) semble vouloir désormais les inviter à pratiquer des politiques de relance budgétaire par… un accroissement de la dette.
Ces politiques expansionnistes, majoritairement soutenues par des accroissements de dettes liés à des baisses massives d’impôt, ne pourront fonctionner que si les entreprises ont confiance dans l’avenir et décident d’investir. Le pari est celui de conjuguer des taux d’emprunt merveilleusement bas à une politique expansionniste générant de l’inflation. Cela permettrait à la dette de dégonfler progressivement par l’effet des taux réels négatifs. En effet, si les taux d’inflation sont supérieurs au taux d’emprunt, la différence entre les deux correspond à des taux d’intérêts réels négatifs. Cela a pour effet de déprécier la valeur des actifs des épargnants mais de contribuer plus rapidement à la réduction des dettes. C’est pour cela qu’en cas d’inflation future, les gagnants seront les acteurs économiques endettés.
Mais, si l’on peut supposer, sans certitudes, que cela puisse fonctionner aux Etats-Unis, permettez-moi aujourd’hui d’en douter très fortement dans une Europe qui n’avance plus, dont le système bancaire (italien et allemand) est très fragile, dont la monnaie ne cesse de se déprécier, qui n’attire plus les investisseurs et dont les acteurs économiques (entreprises et consommateurs) restent très méfiants dans l‘avenir.
Il faut bien avoir en tête que la situation de taux bas en Europe va perdurer, même si nous observons ci et là quelques mouvements à la hausse comme les dernières semaines. En revanche les Etats-Unis devraient poursuivre la hausse des taux avec un retour pressant de l’inflation, même si nous sommes assez convaincus que cette politique ne pourra pas être tenue au-delà de 12 à 18 mois.
Les premiers effets Trump
Alors la question que nous nous posons aujourd’hui est de savoir si les marchés ont eu les bonnes anticipations et si ce programme économique est vraiment générateur de croissance et d’inflation.Si l’élection de Donald Trump à la présidence de république américaine, s’est révélé une surprise pour les médias et les sondeurs, elle a surtout provoqué bon nombre de surprises sur les marchés financiers. Nous avions imaginé que celle-ci provoquerait une hausse des taux aux Etats-Unis, ainsi qu’en Europe par effet ricochet, mais jamais dans de telles proportions. Cette hausse des taux à détruit plus de 100 milliards de valeurs obligataires en l’espace d’une semaine. Si cette hausse s’est désormais stabilisée, c’est le signe d’une croyance forte que le nouveau programme économique de l’administration Trump va d’une part générer de la croissance mais aussi de l’inflation. Dans le même temps, et pour les mêmes raisons, les marchés actions ont eux aussi été fortement bousculés : globalement ils sont à la hausse et cela était parfaitement inattendu. Cette hausse est liée au fait que les actions des entreprises qui pourraient bénéficier d’un programme de relance budgétaire et de retour de l’inflation ont vu leur valeur fortement monter, compensant ainsi les baisses de toutes les autres valeurs.
Le Président Trump a déclaré vouloir relancer l’économie américaine via une baisse d’impôts massive et de lourds investissements dans les infrastructures. Parmi les mesures attendues, une très forte pression sur les multinationales américaines pour qu’elles rapatrient les montagnes de cash qu’elles conservent à l’étranger, afin d’investir sur le territoire et de financer les infrastructures. En toute logique, et si ces mesures sont prises, nous devrions assister effectivement à une reprise de l’inflation.
Par ailleurs, les tensions sur le commerce international seront exacerbées par des attitudes très dures avec les partenaires commerciaux que sont la Chine et le Mexique par exemple. Cela devrait se manifester par des taxations plus importantes des produits importés, donc par une hausse des prix.
Pour ce qui est de la croissance, nous pensons en effet que le politique mise en place dès janvier pourrait générer un regain de croissance à court terme, mais nous sommes assez convaincus que dans un cycle économique en fin de course, le retour de l’inflation va provoquer un choc sur un grand nombre de secteur économique (Services, consommations, immobilier) et probablement pourrait amener ces secteurs à la récession.
En conclusion la hausse des taux est probablement une anticipation justifiée, en revanche pour le marché actions, il convient de s’inquiéter d’une éventuelle récession de certains secteurs à partir de mi-2017.